Les amis, après la Bavière et son Oktoberfest, direction la plus vieille ville de France, qui se trouve être aussi ma ville de naissance et de cœur. En terme de grand écart, Munich et Marseille c’est un peu le Grand Canyon mais en plus profond. Un barista m’avait lancé un jour en rigolant, sur un Paris-Marseille, qu’il n’avait pas l’impression de faire le même métier lorsqu’il était sur les trains du Grand Est.
Embarquement immédiat pour une balade qui commence dans la ville Antique, ambiance « Oui, tu me fends le cœur. Pas vrai, Escartefigue ? « c’est parti…
Le Panier, sur la ville Antique
Marseille a mis du temps à connaitre son histoire. On avait bien trouvé quelques bouts de muraille qui semblaient dater mais rien de bien probant. A la fin des années 60 le maire de Marseille (Gaston pour ne pas le nommer) lance un vaste chantier dans le but de construire le « centre bourse », un centre commercial proche du Vieux Port et de la Canebière.
A peine démarrés, les travaux exhument des vestiges et montrent que sous la ville moderne dort une cité Antique. La Mairie ne voit pas trop l’intérêt de la découverte, et demande même s’il n’y a pas moyen de pousser vite fait ces vieilles pierres un peu plus loin histoire de ne pas ralentir les travaux… Il va falloir une levée de bouclier des habitants, jusqu’au plus niveau de l’état, pour que le chantier soit finalement suspendu puis déplacé, et qu’on commence des fouilles sérieuses.
J’aime l’histoire, mais l’Antiquité ce n’est pas trop ma tasse de thé; en particulier parce que le peu de connaissance que l’on en a est toujours soumis à débat (même si on peut débattre de tout, à commencer par les chiffres). Mais nous allons quand même essayer dans les lignes qui suivent de remonter la pendule, et de nous plonger dans la Marseille antique.
Les amis, nous sommes autour de 600 avant JC dans le bassin méditerranéen. Rome est une jeune république, les Celtes, arrivés depuis peu, commencent à former les tribus gauloises; quant aux Egyptiens, alors à leur apogée mille ans plus tôt, ils sont déjà sur le déclin…
Les Grecs, eux, sont en pleine expansion. Organisés en cités état indépendantes, ils lancent une vague de colonisation sur tout le pourtour méditerranéen. Parmi ces peuples grecs, on trouve les Phocéens bien installés dans leur bonne ville de Phocée en Ionie (dans l’actuelle Turquie).
Les Phocéens longent les côtes sur des bateaux rapides et fondent des comptoirs commerciaux lorsque l’occasion s’y prête. Aussi quand ils tombent sur la calanque du Lacydon (aujourd’hui le Vieux Port) qui coche toutes les cases, ils décident d’y fonder la ville de Massalia. Alors dans l’Antiquité on aime les mythes fondateurs, et la légende veut que ville soit née d’un coup de foudre suivi d’un mariage, celui de Protis un marin Phocéen, et de Gyptis une princesse qui vivait dans le coin.
Quoi qu’il en soit, grâce au commerce (épices, vins..) la ville se développe assez vite sur la rive nord de la baie, les actuels quartiers de l’Hotel de Ville, de la Joliette et du Panier.
En tant que ville grecque, Massalia devait posséder à minima une agora, un théâtre, des temples… beaucoup de choses restent donc à découvrir. Il semble qu’on soit tombé récemment sur les vestiges d’un stade de plus de deux cent mètres, plus grand que le Vélodrome.
Lorsque ça commence à barder sévère à l’Est entre les cités grecques et l’empire Perse, les riches phocéens vont partir se réfugier dans leurs colonies, dont Massalia, ce qui va relancer l’économie et faire de la ville un grand port maritime ouvert sur la méditerranée, une plateforme d’échanges entre les mondes Grecs et Gaulois.
Mais l’Antiquité est un sport qui se joue à 11 et où c’est souvent Jules Cesar qui gagne à la fin. Un peu avant d’envahir la Gaule, Cesar va lancer quelques légions sur Marseille, pourtant alliée de Rome. La ville va tenir quelques mois avant de capituler, mais même si la ville intègre le monde romain sous son nouveau nom de Massilia elle reste profondément grecque, à commencer par la langue.
Et voilà les amis on arrête là, vous en savez autant que moi sur les premières années de la plus vieille ville de France. Les copains parisiens, n’hésitez pas à aller vous perdre quelques heures dans le Panier. Ce vieux quartier qui hébergeait les populations les plus pauvres est devenu tendance ces dernières années, mais il garde encore son authenticité.
Espérons quand même que les habitants pourront continuer à vivre dans leur quartier en voie de boboïsation, le progrès doit profiter au plus grand nombre.
On quitte maintenant le Panier par le sud pour aller juste à côté découvrir une pépite qui fait face à la mer et que j’essaie de saluer à chacune de mes visites, le fameux Mucem.
Le Mucem, la pépite culturelle
Le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) est un petit bijou qui a été inauguré en 2013, l’année où Marseille a été contre toute attente promue capitale européenne de la culture. Le Musée est composé du J4, un superbe cube de verre et de béton fibré, et du vieux fort Saint-Jean qui domine le port; les deux édifices étant reliés par une passerelle plutôt scénique.
Une rampe géniale tourne autour du cube et permet d’atteindre les différents étages, jusqu’au sommet. L’ensemble est vraiment réussi, je suis persuadé que c’est un vrai plus pour la ville qui avait besoin d’un tel fleuron.
Coté programmation, les expos sont censées tourner autour de l’histoire et de la culture du bassin Méditerranéen. Après comme partout on programme aussi en fonction des opportunités : j’y avais vu une rétrospective Jeff Koons par exemple, pas trop fan…
L’expo du moment est bâtie autour de Salammbô, le roman de Flaubert qui était Marseillais. Même si comme moi vous n’avez jamais lu Flaubert, vous allez quand même passer un bon moment au milieu de ce monde antique reconstitué.
L’histoire de Salammbô se passe pendant les guerres puniques (drôle de nom) qui ont opposé Rome (et Marseille par alliance) à Carthage pendant des siècles, pour le contrôle de la méditerranée.
Carthage est une ville mythique qui a été fondée par des Phéniciens (qu’on croise souvent dans Astérix), un peuple de marchands qui habitaient l’actuel Liban. Carthage s’est vite émancipée de la maison mère, et est devenue une puissante cité état. Elle s’est rapidement frottée à la puissance Romaine située juste en face, de l’autre côté de la méditerranée.
Si vous ajoutez au décor les Marseillais, les Phocéens, les peuples du coin dont on ne sait pas grand-chose (Etrusques, Ligures…) jusqu’aux Ibères qui n’étaient pas toujours ibère sympas, la méditerranée a dû être longtemps un sacré champ de batailles…navales.
On en reste là pour le ce premier épisode, quand vous irez n’oubliez pas de franchir la passerelle et de prolonger la visite sur le fort Saint Jean qui en vaut la peine, avec des supers points de vue sur la ville.
Pour finir et comme à tous les épisodes, je finirai par ces quelques phrases de Jean-Claude Izzo, journaliste et écrivain Marseillais,
« Naître à Marseille n’est jamais un hasard. Marseille est, a toujours été, le port des exils, des exils méditerranéens, des exils de nos anciennes routes coloniales aussi. Ici, celui qui débarque un jour sur le port, il est forcément chez lui. D’où que l’on vienne, on est chez soi à Marseille. Dans les rues, on croise des visages familiers, des odeurs familières. Marseille est familière. Dès le premier regard«
N.