Dans l’épisode précédent nous avions découvert la pépite du Mucem et le quartier populaire du Panier sous lequel dort la Marseille antique, cité fondée par les grecs il y a 2600 ans, ce qui en fait la ville la plus ancienne du pays.
Nous avions vu le rayonnement de Massalia, grand port méditerranéen et déjà porte de l’Orient, alliée de Rome contre Carthage puis assiégée par Jules Cesar de retour de sa conquête des Gaules, pour finalement être intégrée à l’empire romain, mais sans jamais perdre sa culture grecque.
Les amis, pour ce second opus, je vous propose d’embarquer pour un archipel lointain, pas les Açores, ni les Galapagos, mais les Iles du Frioul situées à… moins de 3 kms de la côte.
Ambiance « Si vous voulez aller sur la mer, sans aucun risque de chavirer, alors, n’achetez pas un bateau : achetez une île ! » c’est parti…
L’archipel du Frioul
Se rendre au Frioul est plutôt simple, des navettes partent en moyenne toutes les heures depuis le vieux port, de tôt le matin jusqu’à tard en soirée. N’essayez pas de gruger et de vous mettre dans la file des résidents du Frioul pour embarquer en premier, ici tout le monde se connait.
La traversée est sympa, le bateau envoie les gaz dès la sortie du vieux port et je vous conseille de vous mettre à l’avant pour un effet “montagnes russes” dû aux vagues envoyées par les autres embarcations. Coté passagers, on a un mélange de touristes français ou étrangers, et aussi des locaux qui redécouvrent leur ville.
Premier Stop, le chateau d’If
Si la météo le permet vous pourrez accoster et visiter le château d’If, sur mes trois dernières visites je n’ai pu accoster qu’une seule fois, à cause du vent qui rend la manœuvre dangereuse.
Dans l’histoire, le chateau d’If a été imaginé par le roi François 1er, officiellement pour défendre la ville, mais dans les faits pour la surveiller car Marseille a rejoint tardivement le royaume de France (1480) et a tendance à vouloir garder une certaine autonomie, voire une grande liberté. La forteresse n’aura jamais eu à défendre la ville, et sera vite recyclée en prison dont il sera extrêmement difficile de s’échapper vivant.
Dans la littérature, c’est au Chareau d’If qu’Edmond Dantès est injustement emprisonné pour “complot Bonapartiste” dans le roman d’Alexandre Dumas : le Comte de Monte-Cristo. Edmond Dantès va y faire la connaissance d’un personnage mystique, l’abbé Faria, grâce auquel il va pouvoir s’évader et dont il va récupérer le trésor caché.
Maintenant riche, Edmond Dantès va réapparaitre sous l’identité du Comte de Monte-Cristo et assouvir sa vengeance de ceux qui l’ont envoyé en prison.
Surprise: le tunnel creusé par Edmond Dantès pour rejoindre la cellule de l‘Abbé Faria est bel et bien visible, quand la fiction rejoint la réalité…
Allez on quitte If , direction Pomègues et Ratonneau, les deux iles principales du Frioul.
Frioul: Ratonneau et Pomegues
Reliées par une digue sous Louis XVIII, les iles de Ratonneau au nord, et Pomègues au sud, forment l’essentiel du Frioul. Parties intégrantes du 7ème arrondissement de la ville (pas de banlieue à Marseille, la cité englobe ses iles comme ses quartiers défavorisés), les deux iles ont une histoire essentiellement militaire; on peut imaginer dès l’antiquité quel repaire idéal elles pouvaient offrir aux pirates.
Ratonneau est plus aménagée, Pomègues plus sauvage… si vous n’avez le temps d’en faire qu’une des deux je vous conseille de faire plutôt Pomègues.
Nous avons fait les iles en deux fois, et à la seconde visite on a pris un ciel chargé et même un peu de pluie, ce qui a accentué l’ambiance drama des chaos de roches.
La Peste de 1720
Au XVIII ième siècle la peste, que l’on commence à bien connaitre, fait des ravages en Orient, où l’on n’hésite pas à catapulter des cadavres de pestiférés par-dessus les remparts des villes assiégées histoire de faire une bonne blague. Niveau gestes barrières, on est un peu limite…
Marseille, qui est en contact commercial avec toutes ces grandes villes d’Orient, possède un protocole sanitaire particulièrement strict: avant de débarquer leur cargaison, les bateaux doivent respecter une quarantaine, de 20 à 60 jours selon que le navire est passé par des endroits safes, suspects, ou connus comme être contaminés. Loin du centre-ville, le port de Pomègues est utilisé pour ces quarantaines.
En mai 1720, le Grand-Saint-Antoine est de retour d’Orient chargé de soie et de balles de coton. Le navire a fait escale dans des ports mythiques tels Tripoli, Smyrne, Tyr ou encore Damas; la précieuse cargaison appartient à des notables locaux, et doit impérativement être vendue lors d’une grande foire dans les semaines qui viennent (vous imaginez déjà la suite…).
Neuf matelots sont morts depuis le départ de Tripoli, un dixième meurt dès l’arrivée à Marseille, pourtant le navire présente une “patente nette” (en gros, aucun lieu contaminé de visité pendant les neuf mois de voyage).
Le navire est conduit jusqu’au port de Pomègues pour y faire sa quarantaine, mais la cargaison est étrangement débarquée quand même, et mise de côté. Autre bizarrerie, la mort des matelots est vite attribuée à des causes alimentaires.
Lorsque les décès suspects commencent à se multiplier les autorités décident de prendre les devants mais il est déjà trop tard, la cargaison infectée a été sortie frauduleusement pour être écoulée.
La peste, transmise par les puces qui infestaient étoffes et balles de coton, s’est rependue dans toute la ville et même au-delà. Entre un tiers et la moitié de la cité va périr pendant l’épidémie, le ratio est à peu près le même dans les autres villes de Provence touchées par la maladie.
Je me rappelle d’un mariage à Nice où le curé racontait que l’église dans laquelle on était avait joué un rôle important à cette époque: les gens y avaient prié jours et nuits pour que la peste reste à Marseille, et Nice in fine avait été épargnée. Pluto égocentrés et limite selfish nos amis niçois non ?
Au bonheur des gabians
Les iles désertes, arides et rocailleuses, sont aussi le royaume des goélands argentés, les gabians comme on les appelle ici. Attention: ces gros zoizos sont des animaux sauvages, si vous vous approchez d’un nid ou d’un petit par inadvertance, vous allez vous faire remonter les bretelles par la famille, la copine en a fait l’expérience.
Et voilà pour cette petite escapade au large de Marseille, j’espère que cela vous aura donné envie de partir découvrir ces iles du Frioul.
Je n’ai pas tout montré histoire de ne pas complètement spoiler et de maintenir un petit effet de surprise, mais vous trouverez également sur l’ile entre autres un fort en ruine, des batteries allemandes de la dernière guerre, un magnifique hôpital restauré par des personnes en insertion, et qui quittent le chantier avec un véritable savoir-faire.
Allez il est l’heure de quitter les iles du Frioul, direction maintenant le Cours Ju’ pour un apéro en couleurs.
Retour à Marseille
N.