Quand Phil Campbell, le dernier des Motörhead, remonte un groupe avec ses trois fils et vient poser ses bagages à Paris l’espace d’une soirée, je ne peux décemment pas rater ça. Campbell c’est 20 ans à porter haut les couleurs du groupe mythique anglais avant qu’il ne soit dissout suite à la mort de son frontman et fondateur, la légende Lemmy Kilmister.
L’occasion également de découvrir l’atypique Petit Bain, une barge qui flotte sur la Seine aux pieds de la bibliothèque François Mitterrand, où nous serons sans doute nombreux à venir saluer le guitariste gallois et nous replonger dans le mood Motörhead.
Ambiance “The only card I need is the Ace of Spades” c’est parti…
Motörhead, le chainon manquant
Motörhead est indissociable de Lemmy Kilmister qui a fondé le groupe et l’a incarné pendant 40 ans, jusqu’à sa mort en 2015. Lemmy les amis, c’est une force de la nature qui joue de la basse en accords un peu comme un guitariste rythmique, qui chante avec une voix complètement éraillée, qui s’est beaucoup chargé en drogues et en alcool (mais a toujours prôné une vie saine auprès des fans), qui aime les femmes et par-dessus tout l’anticonformisme. Un type hors norme, complètement déifié par les fans du genre, et qui est resté droit dans ses bottes tout au long de sa longue carrière.
Le line-up de légende (1978-1984)
Lorsqu’il se fait virer de Hawkind parce qu’il s’était fait attraper à la frontière canadienne avec de la drogue qu’il avait fallu annuler le concert, Lemmy décide de fonder son propre groupe, ce sera Motörhead. On est en 1975, après quelques essais il va s’entourer de Phil “Animal” Taylor et “Fast” Eddie Clarke, respectivement batteur et guitariste, et le power trio qui va accoucher du métal moderne est né.
Je suis persuadé que si les darwinistes se penchent un jour sur le métal, ils conclueront que ce qui a fait passer de Led Zep et Deep Purple à Megadeth et Metallica, c’est Motörhead. Ce line-up, qui ne va durer quelques années, va créer la légende d’un groupe sans concession qui joue une musique rapide et puissante, nourrie d’influences très diverses.
Aujourd’hui ils sont hélas tous les trois au paradis des rockeurs.
Les années CampbelL (1984-2015)
Après une parenthèse Brian Robertson le temps d’un album, magnifique guitariste mais qui n’avait pas l’ADN Motörhead, c’est le gallois Phil Campbell qui va s’installer à la guitare, et pour 20 ans. Le groupe british continuera à produire de nombreuses pépites, car contrairement à beaucoup de ses confrères Lemmy ne perdra jamais l’inspiration.
Phil Campbell and the Bastard Sons
Cap donc sur les quais de Seine en cette belle fin d’après-midi du dimanche 24 Septembre. Une heure avant l’ouverture quelques fans sont déjà présents devant la passerelle qui donne accès au Petit Bain, arborant pour beaucoup et comme on pouvait s’y attendre les visuels Motörhead.
Vers 19h nous pénétrons dans la salle qui se trouve au niveau inférieur de la barge. Je craignais un lieu un peu trop confiné, mais la salle est finalement beaucoup plus grande qu’elle n’y parait depuis l’extérieur.
Pour celle qui partage ce moment avec moi c’est une grande première. Je ne dirai pas quel était son dernier concert mais on est (très) loin de la culture métal. Souvent gouailleuse et constamment en train de se marrer, je la verrais là presque intimidée, observant attentivement la salle avec un petit sourire qui me rassure.
Fury ouvre le bal
Vers 19h45 les anglais de Fury, que je découvre, investissent la scène. Fury c’est du hard rock old school comme on l’aime, une grosse énergie, une joie communicative d’être sur scène (et sur Seine pour le coup), et une originalité avec la présence de deux musiciennes: Nyah Ifill au chant, et la talentueuse et athlétique bassiste Becky Baldwin (ex Mercyful Fate).
Un des gars a la mauvaise idée de siffler Becky au moment où elle monte sur les planches, la miss se retourne alors comme un tourbillon avec un regard qui lui fait ravaler instantanément son sifflet, je me marre.
Après peut-être une dizaine de morceaux et un show réussi, les Fury laissent la place à la famille Campbell.
PHIL Campbell fait souffler l’esprit Motörhead
Trente minutes pendant lesquelles les roadies s’affairent, et la famille Campbell fait son apparition dans une salle où les rangs se sont resserrés. On a là Phil bien sûr, casquette vissée sur la tête, ses fils Tyla (basse), Todd (guitare) et Dane (batterie) , le quatuor étant complété par Joel Peters au chant.
Joel Peters, arborant un look à la Big Lebowsky, provoque immédiatement la salle, et c’est parti pour un long set qui va mettre tout le monde d’accord.
Le groupe ouvre sur un excellent “We are the bastards” qui est sans doute leur morceau d’intro habituel, mais je sais que c’est sur le second que tout va se jouer. Phil Campbell prend alors la parole et informe que parce qu’un musicien serait patraque ils ont dû changer la setlist, et le groupe démarre en trombe sur “Iron Fist” de Motörhead.
La salle chavire car on a bien compris que ce soir on va mettre à l’honneur les compos légendaires du power trio.
Je ne crois pas trop à l’histoire du gars patraque, je pense que les musiciens ont bien compris ce que nous étions venus chercher ce soir, et ils nous l’ont offert avec les intérêts.
Ca bouge beaucoup dans le public, sur le monumental “Ace of Spades” un trop plein d’euphorie met beaucoup de monde par terre. Je m’assure d’un œil que mon accompagnatrice ne se fait pas écraser par un quintal de quinqua en transe, mais elle est là stoïque, prenant photos et videos de ce monde qu’elle découvre. Elle m’annonce 95 decibels mesurés par son téléphone, heureusement nous avons des bouchons.
Flying down to Rio, going to Brazil
Quand Joel Peters, qui s’en sort comme un chef dans son rôle de leader charismatique, demande à la salle d’envoyer un énorme “f@ck you!” à Tyla Campbell, je l’encourage à le faire mais ce n’est pas son truc d’insulter les gens qui ne lui rien ont rien fait 🙂
In fine, sur 16 morceaux Phil Campbell va aligner 11 pépites de Motörhead, on a en a eu pour notre (modique) participation, la setlist ici, c’était magnifique.
Le show termine par deux rappels : l’incontournable “Killed by Death” et l’injouable “Overkill”. Phil Campbell demande à la salle d’encourager Dane, car sur ce dernier morceau le rythme à la batterie c’est celui d’un train qui remonte à toute vitesse des enfers.
Le fiston va s’en sortir honorablement. Les batteurs de Motörhead n’ont jamais eu besoin d’aller au Basic Fit pour travailler le cardio.
Allez on termine avec un petit “Ace of Spades” qui a failli couler la barge, à la mémoire de Lemmy Kilmister.
I tell you, I’m your man
You win some, lose some
It’s all the same to me
Je vous encourage à aller découvrir le Petit Bain, c’est vraiment une salle à taille humaine avec une scène à portée de main, les infos ici : petitbain.org
Le concert terminé nous regagnons la surface et les beaux quais de Seine plongés dans la nuit. Direction une brasserie au bord du fleuve pour terminer cette belle soirée, @ refaire très vite.
Bonne fin de week-end
N.