Après avoir célébré Ganesh à Little India dans le nord parisien, après avoir exploré Brick Lane le Banglatown londonien, nous voilà de retour pour clôturer la trilogie Indienne, et cette fois autour son monumental cinéma. Un cinéma au sommet de la culture populaire, où les acteurs et les chanteurs sont considérés comme des demi-dieux
Direction le Musée du Quai Branly pour une explosion de couleurs et de bonnes vibrations avec l’expo Bollywood Superstars qui aide à combattre l’hiver, ambiance “films massala et chorégraphies au pays de Ghandi” c’est parti…
Bollywood Story
Les amis, si vous ne connaissez pas la différence entre Bombay et Mumbai, si pour la capitale vous hésitez entre Calcutta et New Delhi , alors vous partez d’aussi loin que moi et votre culture indienne se réduit sans doute à sa portion congrue : le poulet tandoori et le cheese naan (et encore, je ne suis pas certain qu’on trouve des cheese naan en Inde).
L’Inde at a glance
Avec presque 1.5 milliard d’habitants, l’Inde est le premier ou le second pays le plus peuplé au monde, à touche-touche avec la Chine. Ici on parle majoritairement l’hindi parmi la vingtaine de langues régionales, et la religion la plus pratiquée est de loin l’hindouisme. Et tout ce beau monde voue un culte sans limite au cinéma.
L’industrie Bollywood
Je ne vais pas vous assommer de chiffres, mais avec plus de 2000 films par an, l’industrie cinématographique indienne est la plus prolifique du monde, devant les ricains. Le genre le plus populaire est le Bollywood (contraction de Bombay et Hollywood) qui désigne les films en hindi faits à Mumbai (ex Bombay), c’est le cinéma indien que nous connaissons.
Mais il n’y a pas un, mais des cinémas indiens. Aussi les films musicaux de Bollywood sont fortement concurrencés par le cinéma tamoul (Kollywood) plus réaliste, et arrive maintenant en force le cinéma telougou (Tollywood).
L’expo commence d’ailleurs par la carte des cinémas indiens, tous différents à cause des spécificités régionales, et on voit que la lutte s’annonce féroce.
Bollywood Superstars
L’idée dans ce qui suit n’est pas de trop vous spoiler l’expo, mais de vous donner les quelques clés que j’ai pu retenir si d’aventure vous vous essayez au cinéma indien.
LES ORIGINES
Dès sa naissance à la fin du 19ième siècle, le cinéma est immédiatement importé et adopté en Inde, mais les films occidentaux ne parlent pas aux Indiens qui ont d’autres problématiques que les nôtres. Aussi ils vont commencer très tôt à produire leur propre cinéma, dans le prolongement de leur théâtre basé sur le drame, la musique et la danse.
Mais l‘Inde c’est grand, et il est difficile de faire des films qui parlent à tout le monde tant les choses diffèrent d’une région à l’autre : le dénominateur commun c’est la mythologie et les dieux. C’est pour cela que, même aujourd’hui, beaucoup de films tournent autour du Râmâyana et du Mahâbhârata, les poèmes mythologiques fondateurs de l’hindouisme.
Un cinéma au secours des tensions
Les élites ont tout fait pour préserver l’unité du pays, mais ont dû s’incliner et n’ont pu éviter la partition entre l’Inde et le Pakistan lors de l’indépendance en 1947. Une deuxième source d’inspiration est donc l’histoire. Les films historiques ne sont pas légions à Bollywood, mais ils tournent souvent autour de romances à l’eau de rose entre Moghols musulmans et Rajpoutes originaires du Rajasthan, à la fois les pires ennemis et les meilleurs alliés. Le cinéma essayant par là d’apaiser les tensions entre les communautés, en représentant une période sans doute un peu idéalisée.
Sur cet axe le cinéma a encore du taf, surtout depuis que Narendra Modri qui dirige l’Inde a mis en place une politique ultranationaliste où les minorités n’ont pas les mêmes droits que les hindous. Le Taj Mahal, construit par un roi Moghol, a même disparu des brochures touristiques.
Le cinéma Masala
S’il y a des films engagés, pour nous le Bollywood reste ce cinéma populaire haut en couleurs, à base de danses, de chants, et d’histoires impossibles. Ces films sont souvent qualifiés de Masala, car si le Masala est un mélange d’épices dont les proportions varient en fonction du rendu attendu, il en est de même pour ces films populaires qui contiennent toujours les mêmes ingrédients.
C’est alors tout l’art du dosage du réalisateur qui va faire que le film va enchanter le spectateur, ou venir allonger la longue liste des films sans saveur.
Si on veut rester un peu cliché, on peut dire qu’un bon film Bollywood respecte souvent le format suivant :
Des histoires d’amour impossibles pour des raisons de castes, de religion, de différence sociale ou encore de guerres familiales, qui engendrent des flots d’émotions exacerbées et des sentiments poussés à l’extrême.
Des costumes et des décors grandioses, le tout baignant dans un feu d’artifice de lumières et de couleurs.
De la danse, beaucoup de danse. A mi-chemin entre danse traditionnelle et hip hop, ce sont plutôt des chorégraphies (à mon sens) un peu déjantées. Comme les contacts physiques restent tabous en Inde, les parties dansées et chantées symbolisent la sexualité.
De la musique et du chant. Les grands chanteurs pros qui performent dans les films sont considérés comme demi-dieux au même titre que les acteurs. La BO d’un film attendu peut sortir quelques mois avant le film afin que le public s’en empare, et monte direct au top des ventes.
Et sinon l’Expo ?
Elle n’est pas très grande cette expo, mais les couleurs et la musique réchauffent l’âme en cet hiver tristoune. Vous allez remonter l’histoire du cinéma indien depuis ses prémices “mythologiques” jusqu’au star system actuel. Certains passages sont entrainants au point que quelques visiteuses se laissent emporter, et se risquent à des chorégraphies… courageuses. D’ailleurs, à la toute fin de l’expo, le Bolly Studio vous permet, grâce à un fond vert, de vous glisser dans une chorégraphie endiablée.
Vous avez jusqu’au 14 Janvier pour aller prendre votre dose d’Indian mood.
Et maintenant, la pratique
Les amis vous avez maintenant toutes les clés pour faire votre propre expérience Bollywood. Procurez vous quelques pani puris (petit clin d’œil à la spécialiste, et oui on monte en gamme avec maintenant des consultants) et installez vous devant un grand classique : Devdas (la référence), Padmaavat (épique) , Kabhi Khushi Kabhie Gham (aka La Famille Indienne) ou encore Bajirao Mastani, un des ces fameux films historiques interreligieux et l’un des préférés de la spécialiste, notamment pour sa séquence monochrome Deewani Mastani .
Attention les films indiens sont très longs, l’ascenseur émotionnel ne peut décemment pas s’arrêter à tous les étages en à peine deux heures. Prévoyez en conséquence…
Le MQB et les dimanches Bollywood
Tout en courbes et en transparence, le Musée du Quai Branly- Jacques Chirac est un musée d’ethnologie qui a été inauguré en 2006 sous l’impulsion de l’ancien président. Arrimé en bord de Seine, pensé un peu comme un voyage initiatique à travers les continents, le MQB est un magnifique écrin qui n’a rien à envier à ses petits copains du MAM ou d’Orsay.
Spectacles et Dimanches Bollywood
Le MQB organise régulièrement des events autour de ses expos phares dans le but de les compléter de la plus belle des manières. Aussi, tous les dimanches, vous pouvez assister gratuitement (oui gratuitement) aux Dimanches Bollywood qui présentent des spectacles de musique et de danse.
La programmation variée vous transporte au pays du Penjab. Les danseuses, carrément solaires, prennent plaisir à présenter leur art.
A la fin la troupe de danse vous invite à faire quelques pas, et ceux qui s’y risquent s’en sortent avec les honneurs. La clôture des Dimanches Bollywood se fera le dimanche 14 Janvier avec un bal.
Au théâtre du musée, j’ai également pu assister à un spectacle de danse Kathak performé par une troupe venue spécialement de la province du Gujurat (à ne pas confondre avec Gojira, petit clin d’œil vers le ch’nord).
Les amis, on ne va pas se cacher que la danse Kathak c’est une niche, et il n’est pas exclu que le gourou qui a composé la musique ait travaillé sous l’effet de substances qui se vendraient très cher ici. Mais c’était vraiment super sympa, chacun a compris ce qu’il en a compris, et c’est bien là tout le but de l’opération si l’on en croit la sympathique leader du groupe de danseuses.
Pour aller plus loin
Je vous colle ici quelques liens pour préparer votre immersion : toutes les infos sur l’expo Bollywood Superstars, le programme complet des Dimanches Bollywood, et le blog sur la stratosphérique fête de Ganesh
Bollywood Superstars c’est jusqu’au 14 Janvier, n’hésitez pas à aller y bosser votre indian touch, ou juste prendre un bon shot de good vibes et travailler votre karma. Au passage n’hésitez pas non plus à vous abonner au blog.
Je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année.
Namasté.
N.
1 commentaire
Je confirme qu’on trouve du cheese naan avec le Tandoori dans les restos en Inde 😉
Nico (encore un !)