Dans la première partie nous avons pris contact avec Yerevan, entre les quartiers République et Opéra (on se croirait presque à Paris), puis nous sommes partis plein sud explorer le monastère de Geghard et le temple de Garni, deux incontournables du patrimoine arménien.
Je vous propose de continuer notre immersion dans la capitale arménienne, nous sommes le 31 mars et c’est dimanche de Pâques dans un pays très attaché à son église, la ville devrait être animée.
Dimanche de Pâques à Yerevan
Yerevan, dimanche matin. Le ciel est un peu plus voilé que la veille, ce qui m’arrange car le coin a gagné 10 degrés en quelques jours, et avec mes fringues d’hiver je souffre un peu. Je décide de monter tout au nord découvrir les quartiers que j’ai loupés la veille.
L’église Sainte ANne et l’Eglise Kathogike
L’Arménie est le premier état chrétien de l’histoire, nous y reviendrons lors de la visite du monastère sacré de Khor Virap. Et même si les arméniens ne sont pas des gros pratiquants ils restent attachés à leur église, et c’est donc sans surprise que beaucoup de monde a convergé vers les églises de Saint Anne (la neuve) et Kathogike (la petite ancienne juste devant) pour célébrer Pâques.
Alors pour être plus précis les arméniens ont deux églises, l’une catholique et l’autre “apostolique” slash “orthodoxe orientale” qui n’est pas reliée à Rome. Les amis, si vous êtes champions de sudoku, si vous savez résoudre de tête les équations différentielles d’ordre 2 et que vous avez relevé quelques approximations dans les études d’Einstein sur la relativité restreinte, je vous propose comme ultime challenge d’essayer de comprendre qu’est-ce qui différencie les deux églises.
J’ai quand même un peu gratté avant d’abandonner, et l’un des principaux désaccords semble être que Jesus est à la fois un homme et un dieu pour les uns, qu’il est juste un dieu pour les autres (ce qui n’est déjà pas si mal).
Je continue mon chemin vers les “cascades” histoire d’avoir une vue d’ensemble sur la ville.
Le mont Ararat
Je n’ai pas pris le chemin standard, j’ai fait un détour par un musée qui s’avère fermé mais qui me fait arriver directement en haut de ces fameuses cascades, et donc j’embrasse subitement au détour du chemin la superbe vue sur la ville, avec le fameux Mont Ararat en arrière- plan.
Le mont Ararat, sur lequel l’Arche de Noé se serait échouée selon la légende, est sacré pour les arméniens. J’ai de la chance car la montagne, située à 60 kms au sud, n’est pas souvent visible depuis la ville. Hier, à l’Arche, nous étions beaucoup plus près et elle était complètement masquée par les nuages.
Ça ne donne pas grand-chose avec mon téléphone, mais je dois avouer que la vision de cette immense montagne qui semble surplomber la ville ne laisse pas indifférent.
Et cette cascade me direz-vous ? Et bien il faudra venir à Yerevan pour la voir, avec ses 572 marches que je descends pour retourner dans l’hypercentre.
La mosquée bleue
Sur le chemin, une petite halte à la mosquée bleue qui offre un peu de calme au cœur d’un quartier assez bruyant.
L’Arménie et l’Iran partagent une frontière et une histoire commune depuis de nombreux siècles. On pourrait presque parler d’entente, surtout depuis la mise en retrait des russes qui s’étaient engagés à maintenir la paix dans la région.
Le symbole de cette entente est sans doute cette mosquée qui avait été transformée en planétarium au temps de l’URSS, et qui a repris du service après avoir été restaurée par des artisans perses. La Majed-e-Kaboud (en persan) est aujourd’hui administrée par l’Iran. Son activité religieuse reste cependant relative car les touristes iraniens, qui sont assez nombreux à se rendre à Yerevan aux beaux jours, semblent plutôt privilégier les nombreux lieux de fête de la ville.
Alors on Danse
En sortant de la mosquée Bleue j’entends de la musique dans un parc. Une kermesse semble en cours, et une troupe de danseurs proposent à qui le souhaite de se joindre pour un cours de ce que je pense être la danse un peu emblématique du pays.
Bon j’ai hésité car les pas ne me semblaient pas si compliqués, mais la timidité a finalement pris le pas. Après la théorie, duduks (flute arménienne) et tambours prennent le relai pour la pratique.
Une scène a été montée, où les habituels notables se succèdent pour faire j’imagine leur promotion avant de laisser la place aux danseurs et chanteurs.
J’y ai bien passé deux heures à cette kermesse, avec quelques instants norvégiens lors des discours en arménien des politiques et des religieux.
La bataille d’oeufs
Si le Noel arménien tombe le 6 janvier comme chez les orthodoxes, Pâques est fêtée le même jour que chez les catholiques. Et à Pâques, la tradition c’est la fameuse bataille d’œufs. Ces derniers sont décorés et on se les casse les uns les autres (d’où peut-être l’expression “arrête de me casser les œufs”).
Sur la place Aznavour, des (faux) œufs sont mis à disposition de l’inspiration des passants, certains ont préparé sérieusement l’évènement.
Les peintres restent hyper concentrés malgré les visiteurs qui comme moi les prennent en photos. Le moment est vraiment sympa.
Les amis il se fait faim, direction Lavash un resto plutôt touristique qui propose une carte assez complète (et toujours à des prix qui pour nous occidentaux sont plus qu’abordables) . Dans le resto des œufs sont disposés sur toutes les tables pour respecter la tradition. Comme je suis seul à table la serveuse vient jouer avec moi, et c’est un match nul : un partout.
Alors comment c’est possible de faire un à un avec seulement deux œufs ? J’offre une bière au premier qui trouve.
La nuit tombe sur la ville, je refais un tour du quartier avant de revenir sur la place Aznavour.
Le concours (ou pas) de décoration d’œufs s’achève doucement sur la place Aznavour où des ont pris place DJs envoient du gros son.
Dernière petite bière au Beatles histoire de finir la soirée en beauté.
Yerevan, last call
Pour cette dernière journée on prend la direction d’un des incontournables de la ville, le Matenadaran, peut-être le plus grand institut de manuscrits et documents anciens au monde.
Le Matenadaran
L’arrivée à l’institut est assez théâtrale, avec un immense escalier qui mène à la statue de l’inventeur de l’alphabet arménien. Le centre héberge près de vingt mille manuscrits arméniens, mais aussi grecs, persans, arabes…
La ville n’est pas à la base très touristique, mais en plus hors saison je suis quasi seul dans ce très beau sentiment. Niveau collection on y trouve des livres qui remontent jusqu’au moyen-âge central. Les livres sont protégés par des vitrines, certains sont reliés en ivoire ou en métal, de vrais pépites.
Au passage, l’amitié entre la France et l’Arménie s’est nouée dès le moyen-âge. Certains arméniens, qui en avaient assez de vivre sur le champ de bataille des bagarres entre byzantins, perses, turcs et arabes, sont allés fonder le royaume de Cilicie plus au sud, sur les bords de la Méditerranée.
Ce royaume étant sur le chemin des croisades les guerriers francs (qui fonderont la France) s’y arrêtaient pour se reposer, festoyer, et même se marier. Pour l’anecdote, aujourd’hui en arménien “monsieur” se dit “baron”, du titre baron de la noblesse franque (toujours avec l’accent de l’agent secret).
Allez on saute dans un taxi qui lui pour le coup a des tarifs occidentaux, et on file au sud visiter le Khor Virap.
Le Khor Virap
C’est le premier lieu saint de l’Arménie. Situé à 30 kms de Yerevan, à l’endroit où s’élevait la capitale antique, c’est ici que le roi Tiridate IV d’Arménie a jeté aux oubliettes Grégoire, un chrétien un peu rebelle. Tiridate, son péché mignon, c’est de martyriser.
Quand Tiridate tombe malade, sur les conseils de sa sœur il fait libérer et venir Grégoire qui le guérit miraculeusement. Le roi va alors se convertir au christianisme avec son armée, puis tout son peuple va suivre.
Grégoire va devenir Saint-Grégoire ou encore Grégoire l’Illuminateur, et l’Arménie le premier royaume chrétien au monde.
Alors on peut visiter le trou dans lequel Grégoire a été enfermé pendant des années. La descente n’est pas difficile mais il faut pas se louper car on est au milieu de nowhere, et le monastère ne semble pas fortement administré (je voulais placer un euphémisme)
Alors qu’y a t’il en bas, dans la prison de Grégoire l’Illuminateur ? Vous le verrez bien quand vous viendrez visiter la region, et vous en ressortirez peut-être complètement illuminé.
Au passage, on a une belle vue sur l’Ararat depuis le monastère.
Dernière soirée
Les amis le boulot s’est bien passé, nous sortons fêter au Phoenix, bar a cocktail branchouille proche de la place de la République.
L’établissement est classe, mais les endroits selects c’est pas trop ma came. Du coup on met le cap sur Dargett, le brasseur arménien qui fait des bières locales qui n’ont pas grand-chose à envier aux grandes maisons européennes. L’ambiance est assez originale, certains viennent pour bosser avec leurs ordis.
La nuit est tombée sur la ville, demain c’est le départ pour Tbilissi en Géorgie pur la suite du boulot (on verra peut-être Tbilissi une autre fois).
Et voilà les amis, on en reste là avec cette immersion dans la capitale de la petite république d’Arménie. J’espère vous avoir donné envie d’en connaitre plus, c’est un pays qui à mon sens se prête à un tourisme vert, un peu écoresponsable, autour d’un patrimoine millénaire. Le seul bémol étant l’insécurité actuelle aux frontières, un vrai frein au développement.
Si vous avez raté la première partie, c’est ici : weekend à Yerevan – Part 1
Barev et Merci
N.