Il n’y a pas meilleure période que la fin novembre pour visiter Londres. Entre le froid, la pluie et la nuit qui tombe dès 16h, tous les voyants sont au vert pour courir se réfugier dans les musées pubs, grands dépositaires de la culture locale.
Les amis vous savez qu’ici on ne se gêne pas pour échapper à la carte postale; aussi aujourd’hui nous n’aurons au programme ni Big Ben ni Buckingham palace, je vous propose à la place une balade un peu ethnique, plutôt spicy, une escapade colorée malgré la grisaille.
Nous irons visiter l’extravagant marché de Camden Town au nord de l’hypercentre, puis direction l’East End et le quartier multiculturel qui accueille depuis toujours les déracinés à la recherche d’une vie meilleure.
Mais après 4h30 d’Eurostar au lieu des 2 heures habituelles, en partie suite à l’évacuation totale de la gare de Lille pour colis suspect, il n’y a plus aucune minute à perdre. Le temps de dropper les bagages et direction le down town et Chinatown pour profiter de l’ambiance londonienne du samedi soir, ambiance “mind the gap !” c’est parti…
Soho et Chinatown
Le centre-ville de Londres tombe mathématiquement à Sharing Cross, le quartier du célèbre Trafalgar Square où une amie m’avait donné rendez-vous lors de ma première visite au Old Smoke il y a fort longtemps. Elle avait précisé qu’elle attendrait sous la statue de Napoléon. Je ne connaissais pas Londres mais je connais un peu l’histoire, et je doutais sérieusement que les anglais aient érigé une statue à la gloire du petit caporal. Effectivement c’est l‘amiral Nelson qui trône sur la place, un bicorne peut en cacher un autre.
Je repense à cette première visite en passant Sharing Cross pour aller juste à côté, dans le triangle Soho, Leicester Square et Covent Garden qui forme l’épicentre touristique des Saturday nights.
Ici les touristes se mêlent à la jeunesse dorée pour l’incontournable tournée des pubs. Un mélange plutôt réussi, une ambiance très bon enfant malgré l’alcool, des anglaises assez délirantes pour les plus jeunes et les quinquas, plutôt sages dans l’entre deux.
Au passage, on croise pas mal de gens d’origine indienne dans les pubs, en tant que grand partisan du vivre ensemble je ne peux que m’en réjouir.
Ces fameux pubs
Au cœur du mode de vie anglo-saxon, les pubs sont de véritables institutions et jouent depuis plus de mille ans un rôle social déterminant chez nos amis britishs . Le nom vient des public houses, ces lieux où l’on buvait déjà au Moyen Age des bières à haute fermentation.
Aujourd’hui les pubs ont compris qu’il fallait se diversifier pour survivre, et proposent pour certains une cuisine haut de gamme, pour d’autres des concerts, karaokés, jeux, matchs de foot… Un prolongement de chez soi, où les différences sociales sont autant que possible gommées, et où on peut sociabiliser.
Nous tentons un fish & chips au “Lamb and Flag” un pub couru de Covent Garden, mais sans résa la serveuse est désolée et nous annonce que nous risquons de galérer sévère pour nous poser dans ce quartier pris d’assaut le samedi soir. Elle nous lance un “try chinatown” qui bouleverse à peine notre programme, et nous voilà donc partis à deux pas au cœur du quartier chinois.
Spoiler alert, nous aurons finalement notre fish & chips dans ce même pub en toute fin de séjour.
Chinatown
Toutes les grandes capitales possèdent leur Chinatown, et Londres ne fait évidemment pas exception. Ado j’avais été emballé par le “Big Trouble in Little China” de John Carpenter (qui pour moi est un des tout meilleurs réalisateurs, les cinéphiles ne m’en voudront pas). Le film, qui relate les péripéties de Jack Burton dans un Chinatown fantasmagorique, présente un quartier chinois magique et mystérieux.
Même s’il a fait un bide à sa sortie (avant de devenir culte dans un second temps), le film m’a laissé un attrait certain pour les quartiers chinois.
A Londres, le quartier asiatique s’étire autour de Gerrard Street qui touche Soho. A peine passé le grand portail vous voyagez déjà, les rues sont décorées de lampions chinois et exclusivement bordées de restaurants et de magasins asiatiques.
Pour diner il y a l’embarras du choix mais là encore il faut être patient ou chanceux. Ce sera la seconde option pour nous, une table se libère au Wan Chai Corner, restaurant cantonais qui comme son nom l’indique fait le coin de la Gerrard Street. Au menu un demi aromatic crispy duck, un plat que je ne connaissais pas et qui consiste à rouler le canard croustillant avec une sauce BBQ et d’autres ingrédients dans des crêpes, c’est plutôt sympa.
Pour les afficionados, certains restos proposent des dim sums (genre de tapas qu’on trouve en cuisine cantonaise et en particulier à Hong Kong) mais hors horaires de diner.
A la sortie nous tombons sur une joyeuse bande d’Hare Krishna venus danser à Chinatown. On les suit un peu, comme souvent c’est plutôt des whitos dans ce genre de rassemblement.
Une excellente première soirée, idéale pour oublier les affres de l’Eurostar qui nous bouffé une partie de la journée. Il est trop tard pour se procurer un Mogwai, de plus avec la pluie ça ne serait pas raisonnable (après Carpenter, l’excellent Joe Dante). Il est temps de rentrer à Bayswater près de Hyde park où nous avons pris nos quartiers.
Camden Town
Dimanche matin direction Camden Town, le quartier bohème et alternatif situé un peu au-dessus de la gare St Pancras. Foyer de la contestation, temple punk et gothique, Camden Town est aujourd’hui un incontournable de toute visite de Londres qui se respecte.
Avec ses façades déjantées, Camden town c’est aussi un marché hors norme qui attire une foule hétéroclite, en quête de l’achat insolite, d’un tattoo ou d’un disque rare, ou simplement pour grignoter de la street food en mode hippie.
Si vous souhaitez prendre un grand shot de bonnes vibrations et de contre-culture, allez-vous balader du coté de Camden.
Camden town
A la base un quartier résidentiel huppé, l’arrivée du train et l’ouverture du Regent’s canal au 19ième siècle va entrainer l’implantation d’une classe ouvrière et de beaucoup d’artisans. Une mixité sociale qui va plutôt bien fonctionner, et qui va incuber la révolution culturelle des années 70.
Le quartier d’Amy Winehouse est aussi un temple du street art, il faut avoir un peu de temps pour aller se perdre dans les rues adjacentes au marché.
J’avais prévu de suivre le canal jusqu’au East End, mais j’ai dû renoncer car mon passeport m’a fait une blague qui m’a bouffé une demie journée sur un timing déjà serré, ce sera pour le match retour au printemps prochain.
On quitte Camden et ses relents des Clashs et de Working Class Hero, on saute dans le métro pour rejoindre le quartier multiculturel de East End, le fief de Jack the Ripper.
East End, le quartier multiculturel
Shoreditch, Spitalfields, Whitechapel… les quartiers de l’East End ont depuis toujours accueilli les déracinés. Huguenots français, tisserands irlandais, juifs ashkénazes et depuis les années 60 les bangladais, tous venus chercher une nouvelle vie dans cet east londonien où l’extrême pauvreté a longtemps régné sans partage.
Mais depuis quelques années cet ancien coupe gorge attire bobos, jeunes actifs et jeunesse branchée; ce début de gentrification fait de l’East End un nouvel incontournable des sorties londoniennes.
Brick Lane, le quartier bengalais
Des odeurs de curry quand on s’approche, les noms des rues traduits en bengali… aucun doute nous sommes là au cœur du quartier bangladais. Le Bengale est une région dont une partie reste une province indienne, l’autre étant devenue le Bangladesh.
Brick Lane c’est plus une longue rue qui traverse le East End sur un axe nord sud jusqu’à Whitechapel. Elle tient son nom des usines de briques et de tuiles qui ont démarré dès le 15ième siècle. Alors si Little India à Paris est plutôt le fief des indiens tamouls (sud de l‘Inde et Sri Lanka), ici c’est majoritairement les bangladais du Bangladesh qui sont venus s’installer au 20ième siècle.
Aujourd’hui quartier en voie de gentrification, Brick Lane est connue pour ses énormes marchés, on trouve de tout et en particulier des fringues vintages, mais à la différence de Camden ici c’est uniquement ouvert le dimanche.
Avec sa forte communauté indienne, la rue est aussi l’antre des magasins de saris, des maisons de curry (parmi les toutes meilleures du pays), et bien sûr des restaurants indiens et pakistanais, et ça tombe bien car on a super faim.
On se pose au Sheba, un resto pas trop mal noté.
Après la pause spicy on se balade dans le quartier. Brick Lane est également réputée pour boulangeries de bagels qui sont ouvertes h24 et ne désemplissent pas malgré un temps bien hivernal.
Sans doute du fait d’une partie de mes origines, j’ai toujours de la sympathie pour ces quartiers qui se sont construits en accueillant ceux qui ont tout quitté parce qu’ils n’avaient pas le choix ou dans l’espoir d’une vie meilleure.
Brick Lane par certains côtés me rappelle Montreuil où je suis souvent fourré.
Coté dépaysement, le quartier indien parisien qui s’étire de la gare du Nord jusqu’au métro Chapelle n’a pas grand-chose à envier à Brick Lane, mais je pense qu’avec la météo hivernale le quartier ne donne pas sa pleine mesure, il faudra revenir aux beaux jours pour se faire une idée plus précise.
Après Carpenter et Dante, une petite pensée pour le “patron” du cinéma anglais et qui a peut-être tourné dans le East End, même s’il privilégie plutôt les villes industrielles du nord. Je pense évidemment à sir Ken Loach, preuve qu’on peut vieillir et rester hyper connecté à son époque.
Les amis, si vous avez déjà fait la carte postale alors n’hésitez pas à placer Camden Town et Brick Lane à l’agenda de votre prochaine escapade londonienne.
On file maintenant juste en dessous de Brick Lane, direction Whitechapel le fief du terrible Jack the Ripper.
Whitechapel and Jack the Ripper
Nous sommes à la fin du 19ième siècle en pleine époque Victorienne, les irlandais et les juifs qui fuient l’Europe de l’Est viennent s’entasser dans un East End très pauvre et déjà surpeuplé. Le quartier est un coupe gorge et les crimes sont fréquents, pourtant en 1888 une série de meurtres particulièrement brutaux va recevoir une couverture médiatique sans précédent, qui va contribuer à créer la légende de Jack the Ripper (aka Jack l’Eventreur chez nous), un des plus énigmatiques tueur en série.
Ces meurtres, suivis de mutilations particulièrement atroces, sont tous commis autour de Whitechapel, Spittafield et Brick Lane. Parmi les centaines de lettres que va recevoir la presse l’une d’elles va attirer l’attention de la police, et elle est signée “Jack the Ripper”.
Les victimes sont principalement des femmes très pauvres, souvent des prostituées. Je vous passe le détail des mutilations, mais l’enquête n’exclue pas que le meurtrier soit quelqu’un de la haute société ayant des connaissances en anatomie. La police n’arrivant pas à arrêter les meurtres, les habitants du quartier vont se monter en milices de surveillance, sans plus de succès.
Jack the Ripper, s’il a vraiment existé, ne sera finalement jamais arrêté. Parmi la centaine de suspects, certains ont été depuis “formellement identifiés” par des recherches ADN ou autres techniques récentes, mais aucune preuve apportée à ce jour n’est irréfutable. Jack the Ripper reste donc un mystère, et pour semer encore plus le doute il est probable que la fameuse lettre signée “Jack the Ripper” ait été écrite par un journaliste qui souhaitait booster les ventes de son canard…
Je finis ma balade par le “Ten Bells” à deux pas de Brick Lane, un pub où deux victimes du ripper, Annie Chapman et Mary Jane Kelly, ont été vues le soir où elles ont croisé le chemin du tueur.
Time to leave
Et voilà, il est déjà temps de rejoindre à la gare St Pancras la team qui avait opté pour l’hypercentre, et de rentrer sur Paris. Je stresse un peu car j’ai paumé mon passeport et la matinée passée à échanger avec le consulat de France ne m’a pas vraiment apporté de réponse claire. Dupont pense qu’il me faut un laisser passer consulaire, alors que Dupond est persuadé que je peux rentrer avec ma carte d’identité.
Verdict : si ça vous arrive, sachez que vous pouvez rentrer en France sans aucun problème avec votre carte d’identité. Le gars de l’Eurostar m’a glissé en rigolant que “quand vous n’avez vraiment pas été sage ou quand vous avez fait une grosse bêtise, pour vous punir on vous envoie au consulat de France à Londres “
Et voilà les amis, j’espère que cette escapade un peu hors cadre vous a donné envie d’aller balader à Londres. Quand vous irez, gardez en tête que depuis le brexit il vous faut un passeport (snif) pour vous rendre au Royaume Uni. Il vous faudra également un adaptateur secteur, des pounds (monnaie locale), régler votre montre une heure plus tôt, et ne pas oublier que les pubs ferment tôt.
Have a good Sunday
N.
2 commentaires
Merci Niko, pour ces balades. Je me souviens bien souvent des quelques nôtres avec nostalgie !
Heey Clairette !!!
Merci beaucoup, et toujours partant pour des nouvelles balades !!