Tu sais que ton accent anglais est perfectible quand tu demandes une “small bottle of water” dans une pâtisserie, et qu’on te sert en retour “four pasteis de natas”… Comme vous l’avez compris les amis, on délaisse cette semaine la chasse aux pépites pour s’échapper quelques jours à Porto, ville classée au patrimoine mondial et qui a donné son nom au Portugal.
Nous voilà donc partis, avec une bonne poignée de collègues dans le cadre d’un week-end CSE (anciennement “Comité d’Entreprise”), à arpenter les ruelles de la vieille ville et ses quais animés.
Habituellement j’essaye de faire découvrir des lieux pas forcément connus du plus grand nombre, mais de Porto je n’ai que la carte postale, aussi je vais tenter de ne pas vous rabâcher ce que vous trouverez facilement dans tous les guides.
L’article est long, aussi je vous colle une table des matières si vous voulez sauter la première partie plutôt orientée “plantage du décor” (mais vous risquez de rater des photos sympas, même si je n’ai pas pris mon reflex car trop lourd)
Ambiance “si l’église Ildefonso, le porto aussi” c’est parti…
Un peu d’histoire
Comme souvent, on va commencer avec un peu d’histoire pour planter le décor. J’aime les mythes fondateurs, et un peu comme Marseille avec la légende de Protis le marin et Gyptis la belle princesse Celte, Porto aurait été fondée à l’embouchure du fleuve Douro par Cale, un des argonautes qui accompagnait Jason dans sa recherche de la toison d’or, rien que ça…
L’antiquité
Un peu comme en Gaule, différentes peuplades cohabitent, en particulier les lusitaniens et les celtibères. Puis comme toujours, les romains vont débarquer et mettre tout le monde d’accord en fondant une énième province, l’Hispanie, qu’Astérix connait bien.
Les romains vont déplacer la ville de l’autre côté du rio Douro parce que c’est plus sympa, et la renomment Portus Cale qui deviendra Porto. L’ancienne Cale sur la rive gauche va donner naissance à la ville de Gaia.
Le moyen age et l’indépendance
L’effondrement de l’empire romain amène le temps des invasions, et en plus des tribus venues de l’est comme les wisigoths dont Obélix en a tarté quelques-uns, la péninsule Ibérique doit bientôt faire face aux invasions du califat d’Omeyade venu d’Afrique du nord.
Entre l’arrivée des armées Maures dans les années 700 et la toute fin de la Reconquista en 1492 par les royaumes chrétiens (couronne de Castille, royaume d’Aragon, et renforts européens), c’est donc presque huit siècles de bagarre et d’occupation musulmane qui vont laisser une empreinte dans la langue, l’architecture, l’art et la culture au sens large de la péninsule.
Le comté du Portugal, qui est rattaché à la couronne de Castille et qui a terminé sa Reconquista bien avant tout le monde, va profiter que les voisins sont bien occupés pour déclarer son indépendance au début des années 1100 et devenir le Royaume du Portugal, avec sa propre langue qui diffère du castillan.
Les grandes découvertes
Les Portugais vont également profiter que les royaumes voisins sont toujours en reconquête, et les Français en pleine guerre de cent ans contre les Anglais, pour prendre un peu d’avance aux niveaux économique, scientifique et artistique. Comme il semble compliqué de s’étendre dans les terres, le nouveau royaume va regarder vers l’océan, former des navigateurs, et construire des caravelles très adaptée pour aller explorer (et conquérir) le monde.
Les Vasco de Gama et autre Henri le Navigateur vont ouvrir des comptoirs tout autour de l’Afrique, jusqu’aux Indes et même en Chine (si vous passez un jour par Macao vous allez être surpris). En colonisant le Brésil qui va fournir l’or et les ressources, le Portugal va vite devenir un immense empire colonial.
Et Magellan ? Le grand navigateur originaire de Porto et qui voulait prendre le relai de Christophe Colomb a bien effectué le premier tour du monde mais… pour la rivale couronne de Castille. J’imagine du coup qu’ici les sentiments sont mitigés.
La République, la dictature, puis la démocratie
Le Portugal va s’avérer trop petit pour porter un tel empire, surtout que les voisins ont refait leur retard et même dépassé le royaume lusitanien. Il va s’en suivre une période de déclin et de grande instabilité.
Les portugais ont avec les anglais une alliance militaire (aujourd’hui la plus vieille alliance au monde qui tienne encore), aussi Napoléon qui a un peu de temps devant lui envoie ses armées au Portugal pour demander quelques explications sur ces mauvaises fréquentations.
Le roi et sa cour se réfugient alors au Brésil d’où ils gèrent l’empire, et au Portugal on commence à se rendre compte que finalement on peut s’en passer, des idées de révolutions commencent à germer.
C’est finalement l’armée qui renversera la monarchie au début du 20ième siècle, mais nous sommes bien placés pour savoir que la transition est terriblement difficile, et il s’en va s’en suivre une période de dictature avec à sa tête António de Oliveira Salazar.
Il faudra attendre quand même 1975 pour que l’armée renverse le dictateur, que la démocratie se mette doucement en place, et que l’indépendance soit rendue aux colonies; aujourd’hui il ne doit plus rester que Madère et les Açores comme vestiges de l’immense empire portugais.
Et voilà les amis, vous en savez au moins autant que moi sur le Portugal, on attaque maintenant les balades.
Balades dans Porto
Après ce petit voyage dans le temps, retour à Porto pour un long weekend découverte. Nous avions un hotel idéalement placé, juste au-dessus du centre historique, et c’est par là je pense qu’il faut commencer l’exploration.
Ribeira, la ville basse
Les amis, les rues de Porto sont pentues; vous pouvez les renier, voire les maudire, mais vous ne pourrez pas éviter les bonnes montées qui font chauffer les cuisses et les mollets.
Le quartier Ribeiras, avec ses ruelles typiques et ses senteurs de cuisines, ses imprononçables azulejos, les carreaux de faïence devenus le symbole du Portugal, est l’endroit naturel où commencer son exploration de la cité. Le labyrinthe qui forme le centre historique concentre la majorité des incontournables à visiter, et dont vous trouverez la liste dans votre guide préféré.
Le quartier est en pente, et la gravité a tendance à vous faire descendre doucement jusqu’à la ville basse et ses quais animés. On y croise beaucoup de touristes, pas mal de français et d’américains venus gouter la douceur portuense.
C’est définitivement l’endroit le plus touristique mais nous sommes surpris par la qualité de l’accueil et la gentillesse des portugais que nous y croisons. Et ce sera comme cela pendant tous le séjour.
Le temps de s’assoir pour enfin gouter les spécialités du coin et le ciel s’effondre pour la seconde et dernière fois du séjour, cette fois nous sommes sauvés par le vin blanc, in vino verita...
Parmi les incontournables, vous serez sans doute tentés par une balade sur le Douro, la fameuse croisière des six ponts. C’est sympa, mais il faut calculer son coup pour être à l’extérieur sur le bateau (le calcul est simple, il faut arriver tôt). Important : si vous avez acheté des réservations en ville, il faut trouver le comptoir sur les quais pour les échanger contre les véritables tickets qui vous donneront l’accès à bord (sinon vous sortez de la queue et vous prenez le prochain bateau, vous pouvez me faire confiance sur ce coup là).
La soiree a Gaia
Après une après-midi à crapahuter dans les ruelles de Ribeiras et avoir l’impression d’en avoir fait le tour, il est temps maintenant de franchir le Rubicon.
Le pont Dom Louis 1 qui relie Porto à la ville de Gaia a été construit par un disciple de Gustave Eiffel. Il offre une vue vraiment époustouflante sur le rio Douro, le vieux Porto et Vila Nova de Gaia. Ce pont est un chef d’œuvre, vous pouvez le franchir par le haut au niveau des villes hautes, ou par le bas au niveau des quais. Vous le traverserez sans doute souvent pendant votre séjour ici.
De l’autre côté, la vue sur le centre historique est vraiment sympa. On peut s’assoir dans l’herbe dans une ambiance Woodstock et regarder le coucher de soleil pendant que des enceintes diffusent du Pink Floyd complètement psychédélique. On a loupé le sunset, peut-être à cause du décalage horaire (et oui, Porto c’est une heure de moins qu’en France), mais l’ambiance était super cool.
Comme à Porto, la descente jusqu’au quai est raide, en bas les caves se mêlent aux restaurants et nous avons opté pour un spécialiste du bacalhau qui avait une belle carte 99% bacalhau (il manquait juste en dessert une mousse au chocolat au bacalhau), au final une chouette première journée…
Le quartier de la Torre dos Clérigos
Si les quais sont un aimant, le quartier de la Tour du Clerc en est un autre, et on a vite tendance à osciller entre les deux. Comme la tour trône en haut de la ville haute, le passage de l’un à l’autre permet d’éliminer le porto et la friture du midi.
Ici on trouve le quartier bobo, les bars à pas cher pour étudiants, les boites la nuit qui déversent jusque dans les rues, notre camp de base pour les soirées, la jolie rue de Flores, et quelques pépites comme ce musée de la photographie implanté dans une ancienne prison.
Devant une vitrine un couple fait des selfies d’un air un peu gêné, on s’approche et on comprend l’objet du délit. J’ai cru lire que ces pâtisseries à la base avait été créés par des religieux pour encourager la fécondité.
Et donc ce surprenant musée de la photo dans une ancienne prison. Quand il n’y a pas d’expo l’entrée est libre, vous en aurez donc pour votre argent.
Le Base en camp de base
Il fallait bien trouver un endroit sympa pour les soirées. Si le Base face à la tour n’est pas forcément le type d’endroit où je sors sur Paris, à Porto il coche toutes les cases: clientèle sympa, super cadre au milieu du Jardim das Oliveiras, et cocktails honnêtes.
A chaque pourboire, les barmaids, malines, donnent des points au pays d’origine du client. Les amis, on a peut-être perdu à l’Eurovision, mais au Base la France a dû gagner deux soirs de suite. On a bien rigolé…
Quant à la rue Galeria de Paris qui était si calme dans l’après-midi, passé minuit c’est une autre ambiance…
Vila nova de Gaia
Alors si la ville de Gaia de l’autre côté du pont n’a pas le cachet du vieux Porto, elle a d’autres atouts qui font que finalement nous y avons passé presque autant de temps. Je pense même qu’elle doit regorger d’endroits sympas mais confidentiels, difficiles à débusquer sur un premier week-end.
Tout comme à Porto, la ville haute tombe à pic sur les quais, tout ce que vous descendrez sera retenu contre vous. Mais comme à Porto, vous pouvez utiliser un joker si vous avez les cuisses trop lourdes pour remonter (on aperçoit le fameux joker dans la photo ci-dessous, faut être observateur).
Gaia c’est aussi une soixantaine de “chairs”, ces fameuses caves à vin de la vallée du Douro que l’on peut, que l’on doit même visiter. Nous y sommes allés au hasard en évitant les plus connues, et nous avons opté pour la cave Ramos Pinto.
Adriano Ramos Pinto, un excentrique qui avait opté pour une communication punchy à base de vice, de tentation et de femmes dénudées, afin de choquer la société très conservatrice du Portugal de la fin du 19ème siècle.
Alors les amis je ne vais pas vous raconter pourquoi les caves sont à Gaia et pas à Porto, ni quelle est la différence entre un porto ruby et un porto tawny. Vous apprendrez tout cela et même plus en visitant une cave. Et si vous allez chez Ramos Pinto, vous tomberez sans doute sur une jeune femme hyper investie et qui va vous jouer tout cela avec grand enthousiasme, le tout dans un français chantant.
Tout au bout du quai nous sommes tombés sur un mercado qui tenait plus du food court. De quoi déjeuner sur le pouce en dégustant du porto dans un bouiboui attenant, tenu par un vieux portugais et probablement sa fille, très cool.
Après tout ce porto, on aurait presque l’impression en déambulant dans les ruelles de Gaia d’être poursuivi par un lapin géant.
Alors je vous avais parlé d’un joker pour s’éviter la remontée qui coupe les jambes, et bien coté Gaia il s’agit d’un téléphérique qui vous ramène à l’entrée du fameux pont sur la ville haute (toujours coté Gaia) dans une sorte de grand traveling le long du fleuve.
Coté Porto c’est un funiculaire qui monte à la verticale des quais jusqu’au pont. On les a pris qu’une seule fois pour tester, pour le reste on a fait chauffer les cuisses.
Les amis, l’article se fait long et je vais passer sur le quartier de l’hotel qui était également bien sympa. Juste une petite pensée pour le café Java où il faisait bon se poser pour laisser refroidir la machine, et je finirai par la gare car le gars qui a y conçu les azulejos est le même qui a produit celles (ou ceux) de l’église San-Ildefonso, la première photo du post. Quelle élégante façon de boucler cette escapade portugaise :-).
Il est déjà temps de rentrer, j’espère en tous cas vous avoir donné la curiosité, voire l’envie d’aller saluer nos amis lusitaniens, au demeurant fort accueillants.
Bonne soirée
N.