Mai 2023, les mastodontes de Metallica débarquent à Paris pour la promotion de leur dernier album “72 seasons”. Le concept est original : aucun morceau ne sera joué deux fois sur l’ensemble des deux soirées programmées. J’hésite un peu car je ne connais rien des sorties des dernières années, mais je suis trop fan des premiers opus pour laisser passer l’occasion d’aller saluer le groupe qui a donné une dimension planétaire, et même branchée, à un style musical souvent décrié.
Cap donc sur le stade de France en ce vendredi 19 Mai, ce sera pour moi la sixième visite aux four horsemen, peut-être la dernière donc j’en profite pour la partager, sans oublier de revenir très vite sur les précédents concerts dont je n’ai hélas conservé aucune photo, juste de grands souvenirs.
Bon l’article est long, je vous colle une table des matières.
Metallica, les débuts
Metallica à la base c’est une rencontre, celle de Lars Ulrich fraichement immigré de son Danemark natal en Californie pour se consacrer à une carrière de tennisman, avec James Hatfield, fils d’une chanteuse et d’un chauffeur poids lourd, membres de l’église radicale des Christian scientist .
Lars Ulrich est plus passionné par sa batterie que par ses raquettes de tennis, James Hetfield, à la guitare et au chant, a déjà tout du frontman.
Amateurs de heavy metal, les deux ados fondent le groupe ils n’ont pas encore 18 ans, piquant au passage le nom à un pote à eux qui réfléchissait à baptiser son fanzine Metallica. Lars et James sont rejoints par le phénomène Dave Mustaine, mais ses accès de violences et ses abus divers font que Mustaine va être vite remercier. Il en voudra toute sa vie à Metallica et va fonder Megadeth pour les concurrencer. Au passage Mustaine et Megadeth passent en aout à l’Olympia, attention les tympans…
Mustaine va être remplacé par le virtuose Kirk Hammet, qui lorsqu’il ne bosse pas dans son fastfood, étudie la guitare avec Joe Satriani. Ces trois-là ne bougeront plus pendant les quarante années qui vont suivre.
Trois bassistes vont se succéder : Cliff Burton qui trouvera la mort en 1986 lors d’une sortie de route du bus du groupe (il occupait exceptionnellement la place de Kirk Hammet ce jour-là dans le bus), Jason Newsted qui quittera en 2003 après 15 ans de bons et loyaux services, il sera remplacé par Rob Trujillo d’origine mexicaine, et qui sera là ce soir. Un line up étonnement stable sur quatre décennies, peut-être une des raisons du succès hors norme du groupe.
20 septembre 1988, Toulon, first contact
Automne 88, personne en France ne connait vraiment le groupe californien qui vient de sortir son quatrième opus “And justice for all”. Personne, à part les fans de hard rock qui ont bien senti qu’un phénomène était en train de naitre. Aussi, quand nous apprenons que Metallica débarque chez nos voisins toulonnais, on s’y précipite.
Toulon à un feu rouge, le père d’un ami qui nous drive baisse la vitre et demande à la voiture à coté comment on va à l’espace des Lices. Les gars nous répondent en souriant de les suivre et se positionnent devant nous, une bonne voiture de rallye qui démarre sur les chapeaux de roues, et nous voilà partis en course poursuite.
Le padré a serré les dents mais il a un bon coup de volant et il ne leur a pas lâché un mètre aux pilotes varois, et comme ils s’y étaient engagés les gars nous guident jusqu’à la salle de concert qui s’avère être un… chapiteau, les immenses stades seront pour plus tard
Je me rappelle d’une très honorable première partie d’Anthrax à qui Metallica n’avait laissé qu’un bout de scène et un son douteux, et je me disais même les têtes d’affiche auraient du mal à faire mieux, mais j’avais tort… Presque une heure d’obscurité où l’on commence à s’agacer, et les premières notes un peu psychédéliques de “Blackened” qui montent doucement tandis que l’on commence à distinguer au fond de la scène vide la statue de la justice (la couv du dernier album). Roulements… et au premier coup de caisse claire quand le morceau s’emballe, une explosion nous a presque couchés par terre (l’artificier ricain avait peut-être découvert le pastis…). S’en est suivi un énorme show malgré une scène sous dimensionnée, un set qui nous a conforté dans notre feeling d’un groupe qui allait tout casser.
21 Septembre 1991, hippodrome de Vincennes, l’épopée
Trois ans après, presque jour pour jour, on prend le même line up et on recommence, cette fois pour un festival à Vincennes dont AC/DC est la tête d’affiche. Nous montons de Marseille en ordre dispersé; les amis, en 1991 le coin le plus reculé au monde c’est l’hippodrome de Vincennes, perdu au milieu d’un bois qui pour nous resemble à une jungle.
Je me rappelle de José, un marseillais flic de banlieue parisienne qui nous retrouve là-bas. Un peu surpris des looks qui l’entourent, il nous dit en rigolant qu’il aurait été plus à l’aise avec son “fer” à la ceinture.
On somnole en plein cagnard sur les pelouses entre deux groupes, et je vois ce chevelu qui progresse entre les gens allongés d’un pas mal assuré, en portant deux énormes bières. Il ne sait pas trop où poser les pieds, surtout qu’il a des énormes baskets montantes, on dirait des chaussures de clown. Un pied qu’il finira par poser sur le visage de José qui s’est endormi, et qui se relève d’un bond comme un gardien de but après avoir repoussé un penalty, en cherchant désespérément à dégainer son flingue.
Un des plus gros fou rire de ma vie je crois, le chevelu s’est excusé et est vite parti quand il a vu l’ami José qui était très haut dans les tours et qui ne redescendait pas.
19 heures, Metallica monte sur scène et va donc jouer en diurne, sans jeu de lumières ni effets pyrotechniques . Les californiens vont parfaitement faire le job comme toujours, c’est vrai que la moitié de l’audience est là pour eux.
J’hésite à rester pour AC/DC car on ne sait pas encore où on va passer la nuit; finalement je me décide à regarder au moins le début, et évidemment je me fais prendre car les australiens vont dérouler un show exceptionnel. De l’entrée sur “Thunderstruck” jusqu’à la fin, la bande à Angus Young va mettre tout le monde d’accord, ce jour-là les patrons c’est AC/DC.
Minuit trente l’hippodrome se vide, pas de transport et pas d’hotel, nous voilà partis pour une bonne nuit blanche de galères. Ce soir-là je suis loin d’imaginer que vingt ans plus tard je connaitrais ce bois de Vincennes comme ma poche.
7 juillet 1999, Bercy, le flou
Juillet 99 je suis installé depuis peu sur Paris, et pour mon premier concert sur place quoi de mieux que les four horsemen au palais omnisport de Bercy que je découvre (et dont j’avoue je ne suis pas fan). Ce concert les amis, j’en garde très peu de souvenirs, en grande partie car j’ai eu l’idée géniale de me coller à la scène alors que j’avais des bonnes places en tribunes.
J’avais dit à ma copine de l’époque que l’expérience Metallica ça ne pouvait se vivre que dans la fosse, au plus proche des musiciens. Et ce qui devait arriver arriva, quand le concert a démarré j’ai dû exfiltrer la copine d’une fosse irrespirable tellement ca bougeait, poussait, comprimait… Le temps de récupérer nos places en tribune on avait loupé la moitié du concert, pas certain que la copine ait passé une super soirée.
Aujourd’hui ce n’est plus possible de descendre en fosse à Bercy quand vous êtes en tribune, et oui j’ai récemment ressayé, perseverare diabolicum…
14 Aout 2008, Arras, Le cadre
Je ne sais pas si vous connaissez la Grand’ Place d’Arras, mais quel cadre exceptionnel pour un concert. Par contre il la fallu patienter looongtemps, les accès étaient super compliqués.
Dans notre groupe, une jeune fille est là pour voir Gojira qui ouvre le bal. Je ne connais pas ce groupe mais j’imagine quelque chose d’assez doux, aussi je suis surpris de reculer de deux mètres au premier coup de grosse caisse. Gojira les amis, c’est pas girly !
Metallica entre alors en piste, deux jeunes femmes un peu éméchées qui assistent au concert depuis un balcon (remember, nous sommes sur la grand place) dansent de façon très sexy en haranguant la foule, foule dont une partie clame “à poil !” en retour. Qu’à cela ne tienne, les deux jolies filles s’exécutent en mimant un strip-teases. Les light-jockeys mettent les poursuites sur le balcon, plus personne ne s’occupe des musiciens qui s’amusent de la situation.
Les deux jolies filles jouent et multiplient les provocations en faisant signe à la foule de monter, sauf que des gars le prennent au premier degré et essayent de forcer la porte de l’immeuble, ce qui a pour effet d’affoler un peu les deux filles qui ont dessaoulé d’un coup. Tout rentrera vite dans l’ordre, il n’y a pas plus bienveillant qu’un concert de métal.
Au final, un super concert et une belle rencontre. C’est là que je me suis dit que j’allais maintenant privilégier les concerts dans des cadres atypiques.
12 Mai 2012, Stade de France, l’anniversaire
On prend presque la même équipe qu’Arras quatre ans plus tôt et on recommence, direction cette fois le stade de France pour fêter les 20 ans du “Black album”, album phare pour beaucoup de fans, sans doute le disque qui a fait changer Metallica de dimension.
Et devinez qui est de nouveau là ? Gojira pour le plus grand bonheur de leur plus grande fan qui a fait le chemin depuis le ch’nord. Nous sommes placés haut en tribune, le stade affiche complet et on devra se contenter des grands écrans pour suivre le concert, il est loin le petit chapiteau de l’espace des Lices à Toulon..
Pour le coup, j’ai gardé le gobelet à bière et le billet d’entrée.
Un super show où le groupe a, entre autres, intégralement joué le “black album”. Pour ce concert, j’avais convié une amie, aujourd’hui fraichement retraitée, qui s’est demandée au départ ce qu’elle pouvait bien faire là tant elle se sentait loin de cette culture, et qui au final a passé une super soirée, le métal est plus inclusif qu’il n’y parait.
19 Mai 2023, Stade de France, la dernière ?
Nous y voilà enfin… Après avoir passé une heure à patienter à la boutique où j’ai vu des fill… heu des spectateurs, déjà équipés de la tête aux pieds, faire la queue pour sans doute l’élément indispensable qui leur manquait.
Nous pénétrons dans l’enceinte au moment où les les premières parties Mammoth (groupe du fils du regretté Eddie Van Halen) et Architects (hardcore british) chauffent un stade qui encourage mais se réserve pour la tête d’affiche. Il faut dire que la scène centrale est immense, et que c’est tout un art de savoir l’occuper.
Nous nous sommes positionnés très proche de la scène, devant la tribune de presse car je pense que du coup les musiciens auront tendance à venir de notre coté. Devant nous les gars (et les filles) boivent de la bière, traversent tout le stade pour aller aux toilettes, en profitent pour ramener des bières, et donc repartent aux toilettes, on a ré-inventé le mouvement perpétuel.
20h45, les enceintes crachent “It’s a long way to the top” d’AC/DC, c’est le signal pour faire rentrer le groupe qui nous passe juste à coté. Les deux filles à ma droite et qui somnolaient depuis le début sont déchainées.
S’en suit le classique “Ecstasy of gold” d’Ennio Morricone repris par tout le stade, la musique du film “le bon, la brute et le truand” sert d’intro à tous les concerts du groupe depuis toujours. Puis le silence…. et les premiers accords de l’incontournable “Creeping Death”, Hetfield apparait juste devant nous avec sa guitare toujours très basse, ce qui l’oblige à jouer les jambes pliées, ma zone chavire.
Je me dis que ma théorie de la tribune de presse n’était pas si bête, mais qu’est-ce que Metallica en a à faire de la presse ? Aussi, les deux morceaux qui suivent, notre côté est totalement déserté par les musiciens, mais l’ambiance reste au top.
On connait tous la setlist du premier concert qui s’est tenu deux jours avant et dont aucun morceau ne sera rejoué, nous avons donc une idée assez précise de ce qui nous attend ce soir.
Après quelques nouveautés qui passent quand même bien, certains se sont tenus à la page, Metallica attaque enfin les grands classiques : “Sanitarium”, “Unforgiven”, “Werever I may Roam”, “Battery”…
Derrière moi un jeune crie à chaque début de morceau “Yeeaah c’est One, mon moorceau préféré…”. La seule fois où il ne dira rien, c’est quand Metallica attaque vraiment “One”, morceau cultissime fortement inspiré du film “Johnny Got His Gun”.
Pour terminer en beauté, un petit “Enter Sandman” des familles, l’incontournable que tout le stade attendait pour finir d’exploser.
Et ca bouge un peu…
Et parfois ca bouge beaucoup …
On se dirige doucement vers la fin et on n’a pas vu passer le temps, tout le monde a la banane, c’est ça le métal…
Si au début du concert je pensais que ca serait la dernière, j’ai déjà hate d’y retourner. Les gars ont encore la pêche et ils portent bien leurs soixante balais, si le mental reste on devrait les revoir très vite sur la route. J’ai au passage une pensée pour Tina Turner, si James Hetfield est un frontman, Tina Turner était elle aussi une frontwoman d’exception.
J’en profite pour embrasser tous ceux qui avec qui j’ai partagé ces concerts de Metallica, tout comme les garage days où l’on branchait les guitares pour un concours de larsens : Fab, Steph, Jean, Cédou, José, Delphine, Delphe (la sista), Hélène, Jacqueline, Jérôme, Jeansé, Bru-Bru, Kenza, Loule, Jacques… et j’en oublie sans doute.
Bonne soirée
N.