Après un premier trimestre grisâtre à tout point de vue, l’arrivée du printemps tente à remettre un peu de couleurs sur un pays fâché. Pas certain que cela suffise pour réconcilier nos compatriotes avec notre modèle politique, mais puisqu’on entend ça et là parler de ce vilain (et récent) terme de raison d’état, pour moi la priorité absolue, plutôt que d’économiser quelques milliards, serait que l’on reprenne espoir dans la république avant que l’on soit tentés par d’autres chemins.
Si l’arrivée du printemps ne suffira pas à apaiser la situation, elle a quand même la magie de faire sortir de leur torpeur les parcs et les jardins. Et à l’occasion d’une pause déjeuner, nous mettons le cap aujourd’hui sur une pépite un peu confidentielle de la ville de Boulogne qui touche Paris, les jardins Albert Khan qui viennent de rouvrir après cinq années de travaux.
Banquier et philantrope
Né en Alsace alors allemande suite à la défaite de 1870, Abraham devient Albert et obtient le droit d’émigrer vers la France; il s’installe à Paris où il reprend des études. Doué pour les investissements, rentré par la petite porte il gravit vite les échelons de la finance jusqu’à créer sa propre banque; à trente ans Albert Khan est millionnaire.
Humaniste, Khan va essayer de mettre son argent au service d’une paix universelle, il va utiliser le mécénat et passer sa vie à imaginer toutes sortes de moyens pour favoriser le dialogue au moment où la situation internationale est (comme toujours) préoccupante.
L’Hotel particulier à Boulogne
En 1895 Albert Khan achète l’hotel particulier qu’il louait à Boulogne, il y conçoit de sublimes jardins afin de créer un écrin propice aux échanges. Artistes, intellectuels, scientifiques, industriels, prix Nobel du monde entier vont venir y échanger sur la beauté du monde et comment le protéger.
Le banquier mécène va créer des bourses pour que français comme étrangers puissent voyager et s’imprégner de la culture des uns et des autres. Je suis convaincu que plus on voyage, plus on connait l’autre, et moins on a envie de lui taper dessus. Et je trouve particulièrement stupide de stigmatiser les gens qui prennent l’avion pour découvrir d’autres cultures, c’est primordial d’avoir sa propre vision des choses et ne pas se contenter d’ingérer la tambouille qui nous arrive par la télé.
Pour fermer la parenthèse, si on veut faire baisser les émissions on peut commencer par arrêter de faire venir du bout du monde ses achats faits online.
La collection d’images
Khan est conscient que le monde est en grande mutation avec la révolution industrielle, aussi il se lance dans le projet pharaonique d’archiver des modes de vies top ou tard amenés à disparaitre. Il va voyager dans le monde entier et en ramener des milliers de clichés en noir et blanc comme en couleurs. Le gars va immortaliser tout un passage de l’histoire de l’homme.
Ces photos qui racontent l’humanité sont exposées dans le musée à l’entrée du jardin. Mea culpa, nous avons couru dehors profiter d’un soleil qui nous a longtemps manqué sans jeter le moindre coup œil à ces archives, ça nous donne une bonne raison pour y retourner.
La crise de 1929
Le krach boursier de 1929 et la grande dépression qui va suivre vont mettre un terme aux projets du banquier philanthrope. Albert Khan est ruiné, le domaine est acheté par le département qui a l’élégance de le laisser profiter de sa maison jusqu’à sa mort en novembre 1940. Recensé juif en pleine occupation, Albert Khan sera enterré sans cérémonie dans une fosse commune de la ville.
N’arrêtez jamais de voyager les amis…
En 1986 le domaine va devenir musée de France, ce n’est pas le lieu le plus facile d’accès lorsqu’on visite Paris mais n’hésitez pas à aller vous ressourcer dans ces beaux jardins si vous passez pas loin, vous trouverez toutes les infos ici.
A suivre : on continue les parcs un peu confidentiels proches de Paris avec le domaine de Sceaux. Nous irons voir les cerisiers en fleurs (profitez en vite car ils ne vont pas rester en fleurs longtemps), à la rencontre de la terrible duchesse du Maine et de ses soirées mémorables.
Bonne fin de dimanche
N.