Nous finissons de déjeuner sous un beau soleil de fin d’automne au bord du lac de Pierrefonds, une petite commune de l’Oise en bordure d’Ile de France, au nord de Paris. Le serveur, plutôt disert, raconte sans y être trop forcé sa vie aux derniers convive. Il confie à la table à coté qu’il est né au Vietnam et qu’il est arrivé en France à l’âge de deux ans, ce à quoi un vieux monsieur répond qu’il connait bien le pays qu’il le trouve magnifique. Le serveur lui demande alors s’il y est allé en voyage organisé, mais le vieux monsieur répond que non, il connait car il a fait la guerre d’Indochine.
Cela me réveille, il est temps de monter saluer la forteresse qui domine la ville, un château massif qui nous arrive tout droit du Moyen Age, sans doute la période qui m’intéresse le plus, mais qui subit un bashing souvent injuste et nous y reviendrons.
Pierrefonds, le Moyen Age est dans la place
Le Moyen Age les amis, si on schématise à fond, c’est la période qui commence à la chute de l’empire romain d’Occident (Rome) en 476, et se termine par la prise de Constantinople et la chute de l’empire romain d’Orient en 1453 (et oui, l’empire romain était si grand qu’il a fallu le scinder en deux). Mille ans donc d’une période sans doute compliquée, mais que les temps modernes ont tendance à caricaturer. Par exemple, à l’école on apprendrait presque qu’au Moyen Age les gens croyaient que la terre était plate, et que c’est Christophe Colomb qui, en se trompant et en débarquant en Amérique, a incubé l’astronomie moderne.
Absolument pas, tous les savants depuis l’antiquité savent que la terre est ronde, et Christophe Colomb voulait volontairement ouvrir une route vers les Indes par l’ouest, parce qu’il savait évidemment aussi que la terre était ronde. Les lumières, pour encore plus briller, ont sans doute eu tendance à assombrir la période précédente un peu plus qu’elle ne l’était.
De la guerre de cent ans
Parmi les guests qui ont possédé le domaine, on trouve le Louis d’Orléans, le frère du roi Charles VI dit “le fou”. Allez comme souvent on remonte la pendule, nous sommes au milieu de la guerre de cent ans, les anglais revendiquent toujours la couronne de France. Le roi chevauche en forêt du Mans lorsqu’un vieillard en haillon jaillit des bois et lui crie de ne pas aller plus loin car il est trahi !
Ces paroles inquiétantes vont tourner en boucle dans la tête du roi, qui va finir par dégainer son épée et attaquer son escorte, faisant quatre morts (costaud le carlito)… Louis échappe par miracle aux coups de son frère.
Après quelques jours de coma le roi reprendra ses esprits, mais va très enchainer les crises de folie, courant nu la nuit, hurlant dans les couloirs du château, portant des protections pour ne pas se briser car persuadé d’avoir des os en verre…
Le roi ne pouvant plus véritablement diriger le pays, il va s’en suivre une guerre d’influence pour la régence entre Louis et son oncle le duc de Bourgogne, aidé par son fils Jean “sans peur” (sympa le pseudo). La rivalité s’accroit avec le temps, et un soir Louis d’Orléans sera assassiné dans le quartier du Marais à Paris par les hommes de Jean, ce qui va entrainer une guerre civile entre deux branches cadettes de la famille royale.
Les anglais n’en demandent pas tant et relancent la guerre qui ronronnait un peu, c’est la fameuse bataille d’Azincourt dans le ch’nord en 1415, sinistre bataille où la chevalerie française va être anéantie, s’empêtrant dans la boue sous les pluies de flèches des archers adverses.
Cette guerre de cent ans est passionnante, et quand tout semblait perdu, que le royaume de France était réduit à peau de chagrin, nous allons assister à la plus grande “remontada” de l’histoire avec la fameuse épopée de la mystérieuse Jeanne d’Arc.
AU second empire
Le château finira par être démoli, et c’est bien des siècles plus tard que Napoléon III va tomber sous le charme des ruines abandonnées (plus vraisemblablement l’impératrice Eugénie), et mandater Viollet-le-Duc, la star des architectes (et historien, et archéologue, et…), pour le restaurer. Viollet-le-Duc on en a tous entendu parler, rappelez-vous la fameuse flèche de Notre Dame de Paris détruite dans l’incendie, c’était lui, le gars qui le lundi matin lance à sa femme “chérie je trace au taf, j’essaye de rentrer pas trop tard, au max dans deux ans“.
Jusqu’à aujourd’ui
Les amis si vous allez saluer ce magnifique château n’oubliez pas les caves, elles abritent une étrange collection de gisants; une ambiance un peu macabre sous une éclairage “spots colorés” en décalage complet.
Pour la visite je vous conseille d’attendre un peu : la plus belle aile est en train d’être restaurée. Vous pourrez alors visiter la plus jolie salle, et avoir une superbe vue sur le château sans les échafaudages.
C’est fini pour le Moyen Age, nous changeons d’époque mais nous restons au nord de Paris, entre Sarcelles et Roissy, direction le confidentiel chateau d’Ecouen et son musée de la Renaissance.
Ecouen, la Renaissance aux portes de Paris
Je ne vais pas bouder mon plaisir de prendre un peu à contre-pied le peloton d’exécution médiatique en vous apprenant (peut-être ) qu’à proximité de Sarcelles et de Villers de le Bel, vous risquez de tomber sur une pépite un peu confidentielle : le château d’Ecouen et son musée de la Renaissance.
Les amis la Renaissance kezako ? Si on veut faire simple, c’est la période de transition entre le “terrible” Moyen Age et les temps modernes, initiée en Italie, et où l’on revient aux préceptes de l’antiquité (d’où le nom Renaissance) en remettant l’homme, la philosophie et l’art au centre de tout. Une période d’éveil qui va accoucher des lumières, et par là précipiter la révolution Française.
Et si on veut approfondir un peu, on saute dans sa voiture et on vient à Ecouen se perdre dans les nombreuses salles du musée de la Renaissance (possible en transport mais galère, on retourne un peu au Moyen Age pour le coup).
Anne mon frère Anne, ne vois tu rien venir
Comme souvent à la base Ecouen est un bonne vieille forteresse médiévale pensée pour casser les têtes des assaillants, et qui va être rasée par Anne de Montmorency au milieu du 16ième siècle pour y construire une bâtisse plus branchouille, s’inspirant de ce qu’il avait pu voir pendant les guerres d’Italie.
Le duc Anne de Montmorency est extrêmement riche et puissant, il (oui c’est un homme) possède autour de 130 châteaux dont le magnifique Chantilly voisin, c’est l’ami intime des rois, en particulier de François 1er dont il est aussi le connétable.
Le connétable à l’origine c’est le “compte de l’étable”, celui qui est en charge des écuries royales. Avec le temps la fonction évolue, le connétable devient alors le grand chef des armées, l’ancêtre du maréchal.
Le plus connu est sans doute Bertrand du Guesclin (retour à la guerre de cent ans) qui, ne pouvant pas affronter frontalement les anglais, leur mena une guerre de ruses et d’escarmouches, le jeu du chat et de la souris comme on dit sur les chaines infos les soirs où les manifestants mettent le feu aux poubelles en essayant d’éviter de se faire tabasser par les brigades motorisées.
Alors je ne sais pas si le duc de Montmorency, à cinq ans et demi, avait déjà sa Ferrari (pour ceux qui ont la ref) mais, “live by the sword, die by the sword“, Anne sera tué lors d’une grande bataille, et la famille de connétables va finir par s’éteindre
Le château d’Ecouen va alors passer dans les mains de l’autre grande famille du coin, la maison Condé, dont le pus célèbre était surnommé le Grand Condé ( petit clin d’œil à mes amis marseillais).
De la légion d’honneur au musée de la renaissance
Comme tout symbole de l’ancien régime, le château d’Ecouen va se faire un peu secouer pendant la Révolution, jusqu’à ce que Napoléon y implante une école pour les filles de personnalités ayant reçue la Légion d’Honneur. Ce lycée va perdurer jusqu’aux années soixante avant d’être transféré pour céder la place au musée de la Renaissance.
Coté visite, je pense qu’il vaut mieux y aller quand il y a une expo temporaire pour éviter une période de travaux ou de rénovation. SI vous voulez bosser le cardio n’hésitez pas à monter jeter un œil à la bibliothèque tout en haut d’une des tours. Avant de quitter il Rinascimento, vous pouvez profiter de la table des rois, rien que ça, et flatter le monarque qui sommeille en vous.
Pour préparer au mieux vôtre visite, vous trouverez toutes les infos dans les deux liens qui suivent : chateau-pierrefonds.fr et musee-renaissance.fr. Nous irons visiter d’autres pépites méconnues avec l’arrivée du printemps.
Bon week-end
N.