Les sanglots longs des violons de l’automne ont tourné à la grosse crise de larmes, une météo morne et triste à l’image de l’actualité sur laquelle je ne m’étendrai pas : les chaines infos le font déjà très mal.
Cette semaine nous partons (re)découvrir une cité médiévale à l’écart des routes passantes, blottie entre la forêt de Fontainebleau et la rivière Loing. Une petite ville qui ne se contente pas de surfer sur son passé de ville royale et qui propose, en plus d’une balade hors du temps, un max d’activités culturelles et sportives.
Direction la cité de Moret au sud de Fontainebleau, sur les traces du peintre Alfred Sisley et de la mystérieuse “mauresse de Moret”, l’une des belles énigmes de l’Histoire de France.
De poste frontière à ville royale
De Moret on ne sait pas grand-chose jusqu’à ce qu’elle intègre le royaume de France au 11ème siècle, et que le roi Philippe Auguste la fortifie comme poste frontière face au peu fiable duché de Bourgogne.
Philippe Auguste, c’est un peu le papa de la France. Tout lui réussit, il fait les 400 coups pendant les croisades avec son pote british Richard Cœur de Lion (le fils de la belle Aliénor que nous avons maintes fois évoquée), et surtout, malgré une infériorité numérique, il va mettre une grosse branlée à une coalition de princes et seigneurs flamands, allemands et anglais lors de la bataille de Bouvines dans le ch’Nord.
Pour certains, la France est née à Bouvines.
Pendant trois cent ans Moret sera ville royale, jusqu’à ce que les VIP lui préfèrent sa voisine Fontainebleau. Parmi ces “guests” on va retrouver notre ami Nicolas Fouquet qui avait voulu épater Louis XIV avec sa super party à Vaux le Vicomte, et qui s’était fait arrêté dans la foulée sur ordre du roi par un d’Artagnan assez éloigné des livres de Dumas.
Lors de son procès, Fouquet va “résider” dans le donjon de Moret, toujours sous la surveillance de d’Artagnan avec lequel il finira par nouer une étrange amitié.
Tombée dans un certain anonymat par la suite, ce sont les peintres impressionnistes qui vont remettre la lumière sur la petite ville à la fin du 19ème siècle en allant peindre au bord du Loing.
Visiter la ville
Pour rejoindre la petite ville médiévale il faudra compter une petite heure et demie en voiture depuis Paris, et autour de 45 minutes en TER; et oui Moret fait partie de ces escapades “Navigo” sur lesquelles la SNCF adore communiquer. Pour ma part, la meilleure façon de venir visiter la ville reste la balade à vélo le long du Loing, entre Fontainebleau et Nemours.
Les portes de Samois et de Bourgogne donnent l’accès à la ville, si vous êtes en voiture je vous recommande de vous garer de l’autre côté de la rivière et de rejoindre la cité par le pont et la porte de Bourgogne.
Il y a pas mal de choses à voir et je vous renvoie au site de la ville qui n’est pas mal foutu. Ce que j’aime avant tout c’est de déambuler dans les rues d’un autre âge et le long de la rivière.
L’incontournable de la ville reste le célèbre Sucre d’Orge qui a été inventé ici par des sœurs bénédictines, et qui continue à être produit à Moret. Quelques magasins en proposent sous toutes les formes, magasins dont la fréquentation n’est pas très punk, très peu de chances de s’y faire agresser.
Dans les pas de Sisley
Alfred Sisley (Largo Winch, c’est l’autre…) est l’un des fondateurs du courant impressionniste qui va révolutionner la peinture à la fin du 19ème siècle. Avec les Monet, Pissarro, Renoir, Degas, Morisot et quelques autres, les impressionnistes vont se mettre à peindre non plus du religieux mais du quotidien, jouant sur les esquisses et les couleurs afin de rendre moins ce qu’ils voient que leurs impressions.
Sisley va venir vivre les 20 dernières années de sa vie à Moret où il peindra des dizaines de toiles au bord du Loing, et où il est aujourd’hui enterré. L’immense succès posthume (comme souvent) dont il va bénéficier va venir jeter un peu de lumière sur la petite cité médiévale.
Ici on peut donc se balader dans les pas de Sisley qui était le peintre paysagiste par excellence, les berges proposent une promenade qui offraient déjà de belles couleurs automnales il y a trois semaines.
La légende de la “Mauresse de Moret”
Les amis on se plonge maintenant dans une de ces énigmes dont l’Histoire regorge: la mystérieuse “Mauresse de Moret“.
Acte 1, une naissance troublante
Nous sommes à l’été 1664 en plein règne du roi Soleil, la reine Marie-Therese accouche de son troisième enfant et comme le veut la coutume les courtisans se pressent pour assister au spectacle. Mais lorsque le nouveau-née (et oui a priori c’est comme cela qu’on écrit pour une fille, en pleine bataille sur l’écriture inclusive) est présentée au public c’est la stupeur : visiblement la nouvelle venue est black…
Louis XIV demande à son armée de médecins une explication, certains pensent que la reine a pu abuser du chocolat, d’autres que ce jeune page noir qui la suit partout a pu troubler ses mécanismes de reproduction (y’avait quand même du level chez les doctorants… ). Aucune explication ne convainc le roi, mais la petite princesse ne survivra pas et le jeune page noir va mystérieusement disparaitre, l’affaire est close.
Acte 2, une mysterieuse religieuse
Trente ans plus tard, à l’automne 1695, une jeune métisse prend le voile au couvent des bénédictines de Moret (le fameux qui fait le Sucre d’Orge). Etrangement, plusieurs hauts dignitaires de la cour sont présents pour l’occasion, et la jeune métisse reçoit du roi une forte dot ainsi qu’une pension généreuse.
La nouvelle sœur prend pour nom Louise Marie Therese, les prénoms du roi et de la reine, les amis vous me voyez venir ?
Dès lors c’est un bal ininterrompu de “célébrités” qui vont se presser pour visiter la jeune femme: la famille royale, les grandes personnalités de la cour, les influenceurs de l’époque… tout cela fait jaser et la rumeur de la Mauresse de Moret (c’est comme cela qu’on appelait les femmes de couleur) commence à enfler dans tout le royaume.
La religieuse se présente ouvertement de sang royal, et beaucoup à la cour pensent qu’elle ne peut être que la fameuse fille de la reine, qui ne serait donc pas morte mais aurait été placée toute jeune au couvent sous une fausse identité.
Mais pour Voltaire venu l’interviewer à Moret elle ne peut-être que la fille du roi tant elle lui ressemble: vraisemblablement le fruit d’une de ses nombreuses liaisons extra-conjugales. Enfin certains défendent mollement la théorie d’une fille adoptée, très peu probable au vu des attentions.
Quoiqu’il en soit cette jeune princesse aura eu un destin sacrifié, elle s’éteint vers 1730 avec son secret.
Et voilà les amis, la petite histoire dans la grande que vous pourrez sortir le soir du réveillon à votre beau-père, qui pense toujours que sa fille aurait mieux fait de se casser la jambe le jour où elle vous a rencontré.
Quelques liens pour finir
Nous en restons là avec cette escapade au bord du Loing, je vous colle ici quelques liens vers le tourisme autour de Moret et d’autres articles connexes du blog :
Le jour le plus Loing, une des plus belles escapades à vélo à portée de TER.
Vaux le Vicomte aux chandelles, pour revenir sur l’affaire Nicolas Fouquet
Giverny et les impressionnistes, une petite balade picturale.
J’espère avoir éveillé votre curiosité et vous avoir donné l’envie de balader sur le Loing, au passage il n’y a pas que Moret à voir.
Bonne fin de week-end
N.