nouvelle escapade qui nous transporte au carrefour des civilisations, aux portes de l’Asie. Les amis je vous emmène en Arménie, petite république caucasienne où je me rends pour une semaine dans le cadre de mon travail.
En route
Pour l’occasion je me suis pris trois jours pour découvrir la ville, car pour moi c’est une première. Alors tu sais vite que l’endroit n’est pas très touristique quand tu cherches un guide à la librairie et que tu sautes directement de l’Allemagne à l’Autriche (bon ça s’est déjà vu dans l’histoire), et que lorsque tu veux changer quelques euros dans ton bureau habituel on te répond que la monnaie locale est trop instable pour être stockée, il faudra donc retirer sur place (un vrai Dram).
Jour J, après presque cinq heures de vol dans un avion où tout le monde semble se connaitre, suivi d’une arrivée rocambolesque où je me suis retrouvé à rechercher mes affaires dans le parking de l’aéroport assisté d’un mec louche mais au final réglo, me voilà à 23 heures sur la place de la République, au cœur de Yerevan.
Alors ceux qui connaissent mon patronyme savent que j’ai des origines dans le coin. Je ne peux m’empêcher de poster un selfie depuis la place de la République, expliquant que l’OQTF a finalement bien été exécutée et que je viens d’être expulsé, merci Darmanin. Dans la vie il ne faut jamais rater une occasion de s’amuser.
Et c’est donc avec quelques milliers de drams en poche que je vais me trouver une sorte de resto pub pour enfin me poser en cette fin de soirée.
L’Arménie kezako ?
L’Arménie est à la fois un pays millénaire et une jeune république qui a repris son indépendance en 1991 suite à la chute de l’Union Soviétique. Elle est située dans le Caucase, tout au bout de l’Europe ou au début de l’Asie, selon où l’on place les limites des deux continents.
Dix fois plus petite qu’à son origine, aujourd’hui d’une taille comparable à la Normandie, elle est peuplée d’environ trois millions d’habitants et possède des frontières avec l’Iran et la Turquie, mais aussi avec la Géorgie et l’Azerbaijan, deux autres anciennes républiques soviétiques.
La capitale c’est Yerevan où vivent plus d’un million d’habitants, et que nous allons découvrir lors de ce petit weekend découverte. Pour les plus courageux, nous verrons à la fin dans les grandes lignes l’histoire de ce petit pays mais qui a été un grand royaume, le premier d’ailleurs à avoir adopté le christianisme.
A la découverte de Yerevan
Jour 1, j’ai booké pour mon “week-end découverte” dans le même hotel que celui du taf, histoire de ne pas avoir à transférer mes affaires. A 80 euros la nuit l’hotel offre un standing 5 étoiles avec piscine, SPA, salle de sport… toutes ces commodités dont bien sûr je ne profiterai pas.
Coté langage ici tout le monde parle arménien et russe, et comme souvent je vais faire tout le trip avec “bonjour” et “merci”. Bonjour c’est “Barev tsiv”, et pour merci il suffit de dire…”merci”, mais avec un petit accent caucasien qui vous donne des airs de méchant dans James Bond.
Yerevan, first contact
Le premier contact avec la ville est des plus agréables. On sent qu’ici il n’y a aucune insécurité autre que celle aux frontières. L’hypercentre fait environ deux kilomètres, grosso modo la distance qui sépare le Louvre de Bastille.
Comme souvent je me cherche un camp de base, ce sera un café italien où je commande un café français et où l’on me sert ce que j’appellerais plutôt un café turc…
Yerevan revendique 2800 ans d’histoire, l’hypercentre peut être vu comme la succession de deux quartiers : la place de la République au sud où j’ai posé mes valises, et la place de la Liberté un peu plus au nord autour de l’opéra. Les deux quartiers sont reliés entre autres par la rue Abovian qui a gardé des immeubles de l’époque tsariste, et qui donne une idée de ce qu’était la ville à la fin du 19ième siècle.
Je suis surpris par le nombre de restos et de cafés, il règne un peu une ambiance méditerranéenne avec toutes les terrasses. Dans les rues autour d’Abovian on trouve des façades un peu surannées, le style que j’aime bien.
Petit détour par le Vernissage (encore un mot français), un marché aux puces où l’on trouve de tout, y compris des uniformes de l’armée russe pour faire sensation à la cafète de retour au taf. Ce qui m’a impressionné le plus, ce sont les jeux d’échecs qui sont une institution ici, de vrais bijoux.
Nous n’échapperons pas à la une place Charles Aznavour et qui a vraiment de bonnes vibes, à tout seigneur tout honneur.
Allez il se fait faim, direction un resto un peu huppé (comprendre un resto ou vous allez sortir peut-être plus de 15 euros) pour un moment kachapuri, un plat géorgien que nous avions découvert lors d’une halte vélo chez Magda à la Villette, je suis fan.
Autour de Yerevan
L’après-midi je rejoins Marina qui a initié et organisé les différents évènements taf à Yerevan (et Tbilissi dans la foulée) et qui connait bien les lieux. Nous voilà partis dans sa voiture à la découverte (du moins pour moi) du country side.
Monastère de Geghard
Premier stop au monastère de Geghard, lieu sacré perdu au milieu des montagnes et qui aurait hébergé la Sainte Lance ainsi qu’un morceau de l’Arche de Noé (dont la Bible raconte qu’elle se serait échouée sur le mont Ararat)
Difficile de dater l’âge du monastère qui a été visiblement maintes fois détruit et reconstruit. Le principal intérêt à mon sens réside dans les chapelles troglodytes, certains visiteurs y entonnent des chants liturgiques, ce qui donne une ambiance assez solennelle, limite inquiétante.
Au fond de la grotte coule une source qui doit avoir certaines vertus car les visiteurs vont s’y rincer les mains. Je l’ai fait aussi, et depuis je joue les solos de guitare de Metallica easy peasy.
Allez on quitte le monastère et on part visiter une curiosité géologique à quelques kilomètres.
Les Gorges et le Temple de Garni
Les gorges de Garni, baptisées “symphonies des pierres” pour les (quelques) touristes, sont un phénomène curieux : des colonnes de basalte s’élèvent en dessinant des formes étranges, presque extra-terrestres…
Les orgues basaltiques proposent une balade géologique sympathique, et je n’imaginais pas écrire une telle phrase un jour. Allez on descend dans le canyon.
Sur les hauteurs trône le temple grec de Garni. Comme vous le lirez peut être plus loin, le royaume d’Arménie est né lors de la conquête de la Perse par les armées d’Alexandre le Grand, et une partie de ce nouveau royaume est donc fortement hellénisée.
Difficile de savoir si Garni était un temple, une residence ou bien un mausolée. Une chose est sûre, c’est qu’il a été construit en….. basalte, vous l’aviez deviné.
Soirée à Yerevan
Retour donc à Yerevan après cette très belle escapade, merci Marina. A peine le temps de se poser, nous retrouvons dans un restaurant russe des franco arméniens, mi-entrepreneurs mi-politiques, et qui essayent de faire bouger les choses ici. Yerevan a de belles choses à faire valoir, mais l’insécurité aux frontières (la dernière guerre date de 2023) freine ceux qui souhaiteraient venir investir.
Le diner est très sympa, nous avons la chance de compter à notre table une ex miss Arménie. Je peux cocher dans ma todolist “Diner avec miss Arménie : checked !“.
Nous finissons la soirée au “Beatles”, un pub très sympa toujours dans le quartier de la République.
Le lieu est censé être un temple des Beatles, mais c’est plutôt du métal qui passe pendant toute la soirée. Et évidemment lorsque c’est au tour des arméniens de System of a Down, l’ambiance monte d’un cran.
Alors mon site grossit et prend donc beaucoup de temps et de place à backuper. Du coup j’ai décidé d’insérer certaines vidéos depuis YouTube.
Et voilà les amis, une très bonne première journée découverte, la suite ne va pas me décevoir. Il est temps de rentrer à l’hotel, demain c’est dimanche de Pâques.
Dimanche de Pâques à Yerevan
Yerevan, dimanche matin. Le ciel est un peu plus voilé que la veille, ce qui m’arrange car le coin a gagné 10 degrés en quelques jours, et avec mes fringues d’hiver je souffre un peu. Je décide de monter tout au nord découvrir les quartiers que j’ai loupés la veille.
L’église Sainte ANne et l’Eglise Kathogike
L’Arménie est le premier état chrétien de l’histoire, nous y reviendrons lors de la visite du monastère sacré de Khor Virap. Et même si les arméniens ne sont pas des gros pratiquants ils restent attachés à leur église, et c’est donc sans surprise que beaucoup de monde a convergé vers les églises de Saint Anne (la neuve) et Kathogike (la petite ancienne juste devant) pour célébrer Pâques.
Alors pour être plus précis les arméniens ont deux églises, l’une catholique et l’autre “apostolique” slash “orthodoxe orientale” qui n’est pas reliée à Rome. Les amis, si vous êtes champions de sudoku, si vous savez résoudre de tête les équations différentielles d’ordre 2 et que vous avez relevé quelques approximations dans les études d’Einstein sur la relativité restreinte, je vous propose comme ultime challenge d’essayer de comprendre qu’est-ce qui différencie les deux églises.
J’ai quand même un peu gratté avant d’abandonner, et l’un des principaux désaccords semble être que Jesus est à la fois un homme et un dieu pour les uns, qu’il est juste un dieu pour les autres (ce qui n’est déjà pas si mal).
Je continue mon chemin vers les “cascades” histoire d’avoir une vue d’ensemble sur la ville.
Le mont Ararat
Je n’ai pas pris le chemin standard, j’ai fait un détour par un musée qui s’avère fermé mais qui me fait arriver directement en haut de ces fameuses cascades, et donc j’embrasse subitement au détour du chemin la superbe vue sur la ville, avec le fameux Mont Ararat en arrière- plan.
Le mont Ararat, sur lequel l’Arche de Noé se serait échouée selon la légende, est sacré pour les arméniens. J’ai de la chance car la montagne, située à 60 kms au sud, n’est pas souvent visible depuis la ville. Hier, à l’Arche, nous étions beaucoup plus près et elle était complètement masquée par les nuages.
Ça ne donne pas grand-chose avec mon téléphone, mais je dois avouer que la vision de cette immense montagne qui semble surplomber la ville ne laisse pas indifférent.
Et cette cascade me direz-vous ? Et bien il faudra venir à Yerevan pour la voir, avec ses 572 marches que je descends pour retourner dans l’hypercentre.
La mosquée bleue
Sur le chemin, une petite halte à la mosquée bleue qui offre un peu de calme au cœur d’un quartier assez bruyant.
L’Arménie et l’Iran partagent une frontière et une histoire commune depuis de nombreux siècles. On pourrait presque parler d’entente, surtout depuis la mise en retrait des russes qui s’étaient engagés à maintenir la paix dans la région.
Le symbole de cette entente est sans doute cette mosquée qui avait été transformée en planétarium au temps de l’URSS, et qui a repris du service après avoir été restaurée par des artisans perses. La Majed-e-Kaboud (en persan) est aujourd’hui administrée par l’Iran. Son activité religieuse reste cependant relative car les touristes iraniens, qui sont assez nombreux à se rendre à Yerevan aux beaux jours, semblent plutôt privilégier les nombreux lieux de fête de la ville.
Alors on Danse
En sortant de la mosquée Bleue j’entends de la musique dans un parc. Une kermesse semble en cours, et une troupe de danseurs proposent à qui le souhaite de se joindre pour un cours de ce que je pense être la danse un peu emblématique du pays.
Bon j’ai hésité car les pas ne me semblaient pas si compliqués, mais la timidité a finalement pris le pas. Après la théorie, duduks (flute arménienne) et tambours prennent le relai pour la pratique.
Une scène a été montée, où les habituels notables se succèdent pour faire j’imagine leur promotion avant de laisser la place aux danseurs et chanteurs.
J’y ai bien passé deux heures à cette kermesse, avec quelques instants norvégiens lors des discours en arménien des politiques et des religieux.
La bataille d’oeufs
Si le Noel arménien tombe le 6 janvier comme chez les orthodoxes, Pâques est fêtée le même jour que chez les catholiques. Et à Pâques, la tradition c’est la fameuse bataille d’œufs. Ces derniers sont décorés et on se les casse les uns les autres (d’où peut-être l’expression “arrête de me casser les œufs”).
Sur la place Aznavour, des (faux) œufs sont mis à disposition de l’inspiration des passants, certains ont préparé sérieusement l’évènement.
Les peintres restent hyper concentrés malgré les visiteurs qui comme moi les prennent en photos. Le moment est vraiment sympa.
Les amis il se fait faim, direction Lavash un resto plutôt touristique qui propose une carte assez complète (et toujours à des prix qui pour nous occidentaux sont plus qu’abordables) . Dans le resto des œufs sont disposés sur toutes les tables pour respecter la tradition. Comme je suis seul à table la serveuse vient jouer avec moi, et c’est un match nul : un partout.
Alors comment c’est possible de faire un à un avec seulement deux œufs ? J’offre une bière au premier qui trouve.
La nuit tombe sur la ville, je refais un tour du quartier avant de revenir sur la place Aznavour.
Le concours (ou pas) de décoration d’œufs s’achève doucement sur la place Aznavour où des ont pris place DJs envoient du gros son.
Dernière petite bière au Beatles histoire de finir la soirée en beauté.
Yerevan, last call
Pour cette dernière journée on prend la direction d’un des incontournables de la ville, le Matenadaran, peut-être le plus grand institut de manuscrits et documents anciens au monde.
Le Matenadaran
L’arrivée à l’institut est assez théâtrale, avec un immense escalier qui mène à la statue de l’inventeur de l’alphabet arménien. Le centre héberge près de vingt mille manuscrits arméniens, mais aussi grecs, persans, arabes…
La ville n’est pas à la base très touristique, mais en plus hors saison je suis quasi seul dans ce très beau sentiment. Niveau collection on y trouve des livres qui remontent jusqu’au moyen-âge central. Les livres sont protégés par des vitrines, certains sont reliés en ivoire ou en métal, de vrais pépites.
Au passage, l’amitié entre la France et l’Arménie s’est nouée dès le moyen-âge. Certains arméniens, qui en avaient assez de vivre sur le champ de bataille des bagarres entre byzantins, perses, turcs et arabes, sont allés fonder le royaume de Cilicie plus au sud, sur les bords de la Méditerranée.
Ce royaume étant sur le chemin des croisades les guerriers francs (qui fonderont la France) s’y arrêtaient pour se reposer, festoyer, et même se marier. Pour l’anecdote, aujourd’hui en arménien “monsieur” se dit “baron”, du titre baron de la noblesse franque (toujours avec l’accent de l’agent secret).
Allez on saute dans un taxi qui lui pour le coup a des tarifs occidentaux, et on file au sud visiter le Khor Virap.
Le Khor Virap
C’est le premier lieu saint de l’Arménie. Situé à 30 kms de Yerevan, à l’endroit où s’élevait la capitale antique, c’est ici que le roi Tiridate IV d’Arménie a jeté aux oubliettes Grégoire, un chrétien un peu rebelle. Tiridate, son péché mignon, c’est de martyriser.
Quand Tiridate tombe malade, sur les conseils de sa sœur il fait libérer et venir Grégoire qui le guérit miraculeusement. Le roi va alors se convertir au christianisme avec son armée, puis tout son peuple va suivre.
Grégoire va devenir Saint-Grégoire ou encore Grégoire l’Illuminateur, et l’Arménie le premier royaume chrétien au monde.
Alors on peut visiter le trou dans lequel Grégoire a été enfermé pendant des années. La descente n’est pas difficile mais il faut pas se louper car on est au milieu de nowhere, et le monastère ne semble pas fortement administré (je voulais placer un euphémisme)
Alors qu’y a t’il en bas, dans la prison de Grégoire l’Illuminateur ? Vous le verrez bien quand vous viendrez visiter la region, et vous en ressortirez peut-être complètement illuminé.
Au passage, on a une belle vue sur l’Ararat depuis le monastère.
Dernière soirée
Les amis le boulot s’est bien passé, nous sortons fêter au Phoenix, bar a cocktail branchouille proche de la place de la République.
L’établissement est classe, mais les endroits selects c’est pas trop ma came. Du coup on met le cap sur Dargett, le brasseur arménien qui fait des bières locales qui n’ont pas grand-chose à envier aux grandes maisons européennes. L’ambiance est assez originale, certains viennent pour bosser avec leurs ordis.
La nuit est tombée sur la ville, demain c’est le départ pour Tbilissi en Géorgie pur la suite du boulot (on verra peut-être Tbilissi une autre fois).
Et voilà les amis, on en reste là avec cette immersion dans la capitale de la petite république d’Arménie. J’espère vous avoir donné envie d’en connaitre plus, c’est un pays qui à mon sens se prête à un tourisme vert, un peu écoresponsable, autour d’un patrimoine millénaire. Le seul bémol étant l’insécurité actuelle aux frontières, un vrai frein au développement.
Barev et Merci (avec l’accent)
N.