Trois mois après Metallica, c’est au tour du grand rival Megadeth de poser ses valises à Paris pour le plus grand bonheur des afficionados de l’âge d’or du métal. La bande à Mustaine, pourtant plus habituée des grands festivals outdoors, a surpris les fans en bookant l’Olympia, une salle presque familiale.
Curieux de rencontrer la légende Dave Mustaine, j’ai immédiatement réservé et j’ai bien fait car on a beau être en plein mois d’aout, la salle affiche complet depuis plusieurs semaines.
La mythique Olympia
Désolé pour ceux qui ont déjà eu droit au couplet sur l’Olympia, mais il faut savoir accueillir les nouveaux lecteurs qui n’ont pas forcément parcouru les précédents concerts.
Créée fin 19ème siècle sur les grands boulevards par le patron du Moulin Rouge qui cherchait un lieu où poser des montages russes, l’Olympia va vite se transformer en salle de spectacle où se succèdent danseuses (la fameuse Goulue fera l’inauguration), acrobates, et autres transformistes. Les débuts sont fracassants, la salle devient incontournable en quelques mois, c’est le lieu où le gotha aime venir se retrouver.
Après un gros passage à vide, la salle est relancée au milieu des années cinquante pour devenir le plus grand music-hall de France. L’Olympia devient l’endroit où la renommée se fait: avoir son nom en lettres rouges sur la devanture c’est la consécration, l’assurance d’une grande carrière. Ne vous y trompez pas, cela fait un moment que la salle a compris que pour survivre il fallait s’ouvrir à tous les styles, et donc ce soir c’est au tour de Megadeth de venir y délivrer ses compos rageuses.
Un groupe mythique dans un écrin qu’il l’est tout autant, ambiance “if there’s a new way I’ll be the first in line, it better work this time..” c’est parti.
Dave Mustaine, l’indomptable
Impossible d’aborder Megadeth sans raconter Dave Mustaine qui l’incarne totalement, au point que la groupe n’aura jamais connu un lineup stable en 40 ans de carrière. Originaire de Californie, Mustaine va intégrer Metallica comme guitariste soliste et participer à l’écriture de leur premier album. Mais sa grosse dépendance à l’alcool et à toutes sortes de drogues, doublée de son agressivité, font qu’il se montre vite ingérable et va se faire virer avant même que l’album ne sorte. Il vouera toute sa vie une grosse rancœur pour Metallica.
Après avoir dealé un peu et végété beaucoup, Mustaine en vient presque aux mains un soir avec son voisin qui joue trop fort de la basse. Les deux finissent par sympathiser et ils vont confronter leur vision de la musique en picolant toute la nuit… Megadeth est né.
Les amis ce serait trop long de raconter la carrière de Mustaine, on peut dire qu’il ne règlera jamais ses problèmes d’addictions et qu’il va mener son groupe de manière complètement chaotique. Le gars est un écorché vif, sa musique est une boule de violence et il s’attaque au système dans sa globalité.
Dave Mustaine accumule les frasques, il vire régulièrement ses musiciens et est fâché avec la quasi totalité du métier. Impulsif, il fait régulièrement déprogrammer son groupe de tournées et de festivals pour ses déclarations fracassantes (“Aerosmith ? On est content d’ouvrir pour eux mais la tournée risque d’être courte ces gars sont presque morts”) ou pour ses abus divers et variés de substances. Le frontman va même déclencher une émeute en Irlande lorsque, après avoir repris “Anarchy in the UK”, il va hurler qu’il soutient la cause et qu’il faut rendre l’Irlande aux irlandais.
Mais Mustaine va aussi construire sa légende, il est complètement déifié par les fans du groupe, et malgré sa gestion erratique il va réussir à faire de Megadeth l’un des plus grands groupes de métal de tous les temps.
Le Concert
Presque un an jour pour jour après Helloween nous voilà donc de retour à l’Olympia et ses tentures rouges. Alors autant pour Helloween j’étais confiant, car si ça canarde ça reste quand même lyrique et envolé, autant là je suis un peu inquiet pour ma camarade de concert car Megadeth c’est des compos ultra violentes et agressives, on est loin du easy listening. In fine je m’inquiétais pour rien.
Nous nous calons au bar pendant que l’excellent Existance, de retour également car ce sont eux qui avait déjà ouvert pour Helloween, chauffe la salle. Les barmaids ont le sourire, peut-être parce qu’elles ont une com sur les bières et les métalleux adooorent la bière, sans doute aussi car le metal est une musique de perfect gentlemen et qu’elles ont affaire ce soir à des gens respectueux et bienveillants.
Alors les amis je ne suis pas un grand connaisseur de Megadeth, je connais leurs trois premiers albums notables, un peu leur quatrième, sur la quinzaine que compte le groupe (si l’amour dure trois ans, j’ai l’impression que l’inspiration chez les groupes de metal ne dure souvent pas plus de quatre albums).
Quand je me sens comme cela un peu largué je vais chercher sur le net la setlist probable, issue de moyennes sur les derniers concerts du groupe. Et je suis heureux de constater que l’essentiel qui nous attend ce soir vient des premiers albums, avec des pépites plus récentes que j’ai pu rapidement écouter ces derniers jours.
Hangar 18, et c’est parti
Il est 20h10 quand les premiers riffs de “Hangar 18” chavirent la salle. Le ton est donné: dans la culture populaire, le Hangar 18 de la base américaine de Wright-Patterson dans l’Ohio est censé renfermer les restes de l’ovni qui s’est écrasé à Roswell. Pour ceux qui ont la rèf, “Hangar 18” a les mêmes accords que le “Call of Ktulu” de Metallica, c’est totalement assumé par Mustaine qui a coécrit le morceau à l’époque.
Pas le temps de se souffler, Megadeth enchaine immédiatement avec “Dread and the fugitive mind”, une de ces fameuses pépites plus récentes, et pour le coup un morceau que je trouve vraiment monumental.
Un nouveau lineup
Coté lineup je ne connaissais pas les nouveaux musiciens qui accompagnent Mustaine sur scène, mais je lui souhaite de les garder car c’est du lourd.
A la basse, le californien James LoMenzo qui vient des White Lion et a joué entre autres pour Ozzy et David Lee Roth, c’est la force tranquille. Derrière ses toms, le belge Dirk Verbeuren qui a étudié la musique à Paris avant d’entrer à la Music Academy International de Nancy. J’adore ce style de batteur qui a un gros volume de jeu et qui bondit dès qu’il le peut pour haranguer la salle.
Enfin, last but not least, le gratteur brésilien Pedro Henrique (aka “Kiko”) Loureiro. Kiko a tout du guitar hero, il se promène sur le manche et aligne les solos avec une facilité déconcertante, un vrai diable. Points commun des trois musiciens : ils jouent avec le smile, tout heureux d’avoir intégré la formation d’un Dave Mustaine qui va beaucoup s’effacer pour les mettre en valeur.
Une setlist impériale
Contrairement à certains groupes qui conceptualisent (et même branlétisent) leur setlist, ou essayent de vous vendre le dernier album qui n’a pas marché, Megadeth est là pour vous donner ce que vous êtes venus chercher. Ils vont donc enchainer les grands classiques, avec les “Angry again”, “A tout le monde” (et son refrain à se trancher les veines, en français dans le texte), ou encore le torturé “Sweating bullets”.
Sur le classique “In my darkest hour” que Mustaine a écrit lorsqu’il a appris la mort de Cliff Burton (Metallica) avec lequel il avait sympathisé, le groupe a étrangement zappé l’intro qui pour moi propulse complètement le morceau. Un peu comme si on commençait les “Lacs du Connemara” directement par “Au printemps suivant….”, un truc à agacer Juliette Armanet.
Dave Mustaine est paradoxalement timide et taiseux sur scène comme en interview, alors que dans ses compos c’est le storyteller par excellence. Il tente ce qui ressemble à une vanne en présentant “Tornado of souls” comme une chanson sur la météo; il parle doucement et dans sa barbe, le visage caché derrière ses cheveux. Nous ne comprenons absolument rien à ce qu’il raconte, mais il a droit à une immense ovation à la fin.
Au passage, entre les écrans psychédéliques qui stroboscopaient pas mal et les fans qui sautaient devant ce n’était pas évident de prendre des photos, j’ai essayé de faire au mieux.
Un final Dantesque
Je m’inquiète régulièrement de ma “concert mate” mais elle s’éclate complet à côté. Personnage solaire, elle est moins touchée par la musique que par cette espèce de communion un peu tribale, à la limite de la secte, qui la fascine et la fait sortir (selon ses propres mots) de sa zone de confort. Après Megadeth, elle peut maintenant tout affronter.
Sur un passage à haute intensité, le gros costaud devant se retourne et lui demande si elle peut tenir sa bière histoire qu’il puisse s’exprimer… Un peu plus tard il lui dit que si elle n’a pas tout bu il veut bien la récupérer.
D’un groupe à l’autre la population change un peu, mais encore une fois nous avons eu droit à une audience très bon enfant, entre les nounours quinquas qui flirtent avec le quintal, et une forte présence de jeunes headbangers qui m’a agréablement surpris. Fait rare dans les concerts de metal, ça a fumé un nombre considérable de joints.
Megadeth va terminer le show en apothéose avec les incontournables “Symphony of destruction” et “Peace Sells”. Le plancher de l’Olympia repose sur des ressorts qui vont être mis à rude épreuve. Un dernier rappel et nous sortons, le concert a été court (1h20) mais très intense, les musiciens ont tout donné et le public le leur a rendu avec les intérêts.
Je suis venu en amateur de métal curieux de découvrir la légende Dave Mustaine, je repars complètement conquis par le quatuor californien et je ne raterai pas leur prochain passage dans le coin.
Il est temps maintenant d’aller se poser dans un café histoire de débriefer tout ça. Les t-shirts Megadeth se dispersent sur les boulevards en quête d’un lieu où l’on puisse encore se sustenter. Le prochain concert est programmé au printemps prochain, mais j’espère que d’ici là des dates vont s’improviser, car pour tous ces groupes de l’âge d’or du metal on joue hélas les arrêts de jeu.
A suivre un petit voyage en Inde, non pas à quelques heures de vol mais à quelques stations de métro du centre de Paris. C’était en effet aujourd’hui la fête de Ganesh, le dieu à la tête d’éléphant du panthéon Hindou
Bonne fin de weekend
N.