Nous sommes début Janvier, le jour de mon anniversaire. Je sors d’un magasin de musique du nord-est parisien, avec à la main la guitare que je viens de m’offrir pour marquer le coup. Le quartier est populaire, je croise des gars qui me demandent en souriant si je vais donner un concert, un autre me rattrape pour me rendre le mini jack qui est tombé de ma poche.
Cette guitare les amis, ce sont les derniers concerts auxquels j’ai assistés qui me l’ont inspirée. Aussi cette semaine je vous propose de m’accompagner dans des salles mythiques, saluer des monstres du métal tout aussi mythiques. Dans ce premier épisode nous irons à l’Olympia, au Trianon et au Bataclan, soigner les acouphènes sous une avalanche de décibels.
Metal at a glance
Avant de se lancer, quelques mots sur la musique métal (je déteste ce nom) pour ceux qui ne connaitraient pas.
A la fin des années 60, des groupes de rock progressifs vont faire évoluer le genre en le combinant à de nombreuses nouvelles influences, en particulier la musique classique, au détriment un peu de la composante blues. On parle là des Led Zeppelin, Black Sabbath, Deep Purple et autres Rainbow… Dans ce nouveau genre, les rythmiques puissantes des guitares saturées, appuyées par les lignes de basses, vont venir s’inspirer des dialogues violons/violoncelles des orchestres classiques.
Les années 80 voient éclore la seconde vague qui va encore plus révolutionner le style, donnant naissance à une multitude de sous-genres : on parlera de hard rock, heavy metal, trash metal, glam rock, hard FM… Des noms foireux et réducteurs, mais portés par des groupes hyper créatifs (Metallica, Iron Maiden, Mötley Crüe, Motorhead, Judas Priest, Guns & Roses… et tellement d’autres) qui vont mêler à la musique leurs univers “dystopiques”. Dans le metal, de la musique aux looks, des pochettes à la scénographie, tout est artwork.
N’y voyez aucune allusion à une quelconque réforme mais, quarante ans après, ces monstres sacrés arrivent au crépuscule de leur carrière. Leurs concerts ont un arrière-gout de “last call”, aussi j’ai décidé d’en faire le plus possible histoire de n’avoir aucun regret, en privilégiant les petites salles aux grosses installations.
Et on commence par Helloween les pionniers du … power metal (ça manquait dans la halle aux fautes de gouts), ambiance “Doctor Stein grows funny creatures ” c’est parti …
Helloween à l’Olympia
Créée à la fin du 19ème siècle sur les grands boulevards par le patron du Moulin Rouge qui cherchait un endroit où poser ses montages russes, l’Olympia va vite se transformer en salle de spectacle où se succèdent danseuses (la fameuse Goulue fera l’inauguration), acrobates et transformistes. Les débuts sont fracassants, la salle devient en quelques mois “ze place to be”, le lieu où tout le gotha aime venir se retrouver.
Après un gros passage à vide, la salle est relancée au milieu des années cinquante par Bruno Coquatrix pour devenir le plus grand music-hall de France voire d’europe, l’endroit où la renommée se fait: avoir son nom en lettres rouges sur la devanture c’est la consécration, l’assurance d’une grande carrière.
HelLoween, aout 2022
Quand on pense Olympia, on pense plutôt à Gilbert Bécaud, Johnny Halliday ou Edith Piaf, et pourtant ce soir les fans de metal sont dans la place, tout heureux de retrouver Helloween, un vieux groupe allemand connu pour son approche symphonique.
Il n’y a pas plus bienveillant qu’un concert de métal. Ce soir côté audience, c’est principalement du geek quinqua qui vient de fermer son ordi et de quitter précipitamment le taf, sans oublier d’enfiler en douce le t-shirt à l’effigie du groupe. Le fameux t-shirt, délavé par les années et qui boudine un peu, mais dont il serait inimaginable de se passer.
Helloween c’est un évènement, aussi le boulevard et les quelques pubs sont blindés bien avant l’ouverture des portes. J’ai convié une copine qui est à mille lieues de cet univers, je crains un peu le choc culturel mais la miss va finalement passer une super soirée, le métal est inclusif.
A l’ouverture des portes la boutique du groupe est comme toujours prise d’assaut, on se prend un t-shirt puis direction le bar car le métalleux aime (beaucoup) la bière. A coté, le groupe français Existance chauffe la salle, tout heureux d’être là.
Lorsque le rideau tombe sur Kai Hansen, le fondateur du groupe de retour pour la tournée, la salle explose. Le groupe originaire de Hambourg est venu en force, en faisant appel aux anciens dont le chanteur Michael Kiske qui se promène dans les octaves. Créé au début des années 80, Helloween a inventé un style de métal fluide et épique, accompagné d’envolées lyriques, sur fond de space fantasy.
Le groupe va nous en mettre plein la citrouille pendant deux heures, un set sincère et précis. Les musiciens sont heureux d’être toujours là, et nous sommes ravis de les accueillir. Le groupe termine ses rappels sur un “I want out” qui renverse la salle, et on se dit au revoir, à très vite.
Fin du concert, la salle se vide en silence sur le boulevard des Capucines, avec le smile. A quelques encablures de la Madeleine et de la place Vendôme, sous l’influence de l’Opéra Garnier, nous ne sommes pas dans le quartier le plus punk de Paris, mais comme c’est central il est assez simple de se projeter n’importe où pour prolonger la soirée.
Voilà pour cette première soirée musicale, on quitte maintenant les boulevards pour monter un peu plus au nord, au pied de la butte Montmartre, pour accueillir un autre monstre sacré : Saxon.
Saxon au Trianon
Le Trianon, dont la façade s’inspire du Grand Trianon à Versailles, a été construit juste après l’Olympia sur le boulevard Rochechouart au pied de la butte Montmartre. Dès l’ouverture la nouvelle salle de spectacle va recevoir les artistes en vogue du moment. Sa proximité attire Toulouse-Lautrec et les autres peintres de la butte, qui ne sont pas les derniers des fêtards. La belle époque bat son plein, on y retrouvera encore la sulfureuse Goulue (qui finissait goulument les consos des clients) et sa comparse Grille d’Egout (classe le pseudo ), Mistinguett, Valentin le Désossé (sic!)… on nage entre famille Addams et Bel-Ami
L’établissement va par la suite se consacrer à l’opérette, avant de s’ouvrir au music-hall. Après un bref passage en mode cinéma et films d’arts martiaux, le Trianon va redevenir un théâtre à la programmation très éclectique, allant de performances confidentielles jusqu’à des stars interplanétaires, dont la sublime Rihanna.
Nous pénétrons dans le théâtre par un superbe double escalier qui débouche sur une grande salle de bal vitrée où on retrouve les immuables boutique du groupe et bar à bière; un second bar colle à la salle de concert et ses deux balcons, l’endroit a beaucoup de cachet.
Saxon, decembre 2022
Comme à l‘Olympia avec Helloween, les fans ont répondu en masse et ce soir ça joue à guichet fermé. L’audience est un peu différente, un peu plus jeune et plus agitée, Saxon fait souffler un vent celte un peu zadiste sur le vieux théâtre. On est ce soir sur un public plus populaire, plus métissé, plus féminin aussi.
Saxon, il faut imaginer un groupe du nord de l’Angleterre qui se fait connaitre dans les pubs à la sortie des usines, faisant la tournée des établissements à bord de leur vieux bus. Assez vite repérés, ils vont ouvrir pour quelques premières lames avant de devenir eux-mêmes des fers de lance du hard rock. Portés par leur chanteur charismatique Biff Byford, le groupe va avoir un coup de mou en changeant de style pour essayer de toucher le marché US sous la pression du label, avant de ressusciter en revenant aux fondamentaux.
A 21h lorsque Biff et sa bande entrent sur scene, la salle est chauffée à blanc. Alternant nouveautés et vieux tubes, le groupe va délivrer un show bien costaud. Biff Byford, 71 ans les amis, emmitouflé dans son éternelle veste d’amiral, chambre un peu le public sur le France Angleterre qui se profile au foot (dont vous connaissez l’issue, avec le loupé de Harry Kane) .
Le groupe decide soudainement de soumettre au vote deux morceaux cultes: la balade “Broken heroes” (mouais..) et l’ovni “The eagle has landed”. Hors de question que je parte sans avoir vu l’aigle atterrir ! Coup de bol c’est l’aigle qui est choisi, et nous voilà parti pour quinze minutes complètement psychédéliques, un bol d’air mystique dans un hard rock très (trop) cartésien.
Vingt morceaux donc cinq rappels, le groupe termine sur “Princess of the Night” qui met le feu à la salle. On se dit chaleureusement au revoir, puis la salle se vide doucement, chacun checkant son audition pour estimer les pertes. Contrairement à l’Olympia, vous pouvez facilement prolonger la soirée sans avoir à déménager, le théâtre est très proche du populaire Barbes, du bobo Abbesses, ou encore de l’électrique Pigalle.
Accept au Bataclan
On se recentre un peu pour cette dernière soirée, direction le très animé quartier Oberkampf proche de République, plus exactement au 50 boulevard Voltaire où trône le Bataclan.
Construit au milieu du 19ième siècle, le Grand Café Chinois Théâtre Ba-Ta-Clan, qui sera ramené à Bataclan qui évoque le vacarme, est la fois un dancing, une salle de concert et un théâtre. Comme l’Olympia et le Trianon, la salle va recevoir les grandes revues, avec les Mistinguett et autre Maurice Chevalier. L’établissement va devoir, comme les autres, passer un peu par le cinéma, pour revenir encore plus fort à la musique et plus principalement au rock’n’roll.
La salle propose des prix attractifs, les concerts sont chauds et finissent parfois en bagarre générale.
En novembre 2015, l’établissement est frappé par peut-être le plus gros attentat jamais subi sur le territoire.
Accept, Janvier 2023
Un mercredi soir glacial de janvier, les fans ne trainent pas devant la salle comme a l’accoutumée et se précipitent se mettre au chaud. Le Bataclan est ainsi fait qu’à peine la porte franchie vous êtes déjà dans la salle. Les amis, je ne vous cache pas que quand on pénètre au Bataclan on a forcément une pensée pour les évènements et les victimes de 2015, mais “never surrender” comme clament les Saxon, la seule chose que nous pouvons faire en tant que citoyens est de surtout ne rien changer à nos valeurs quand elles sont attaquées.
Ce soir l’établissement reçoit Accept, le plus grand groupe de métal allemand avec les Scorpions. Le groupe, fondé dans les années 70 dans une petite ville industrielle de la Rhénanie par leur chanteur emblématique Udo Dirkschneider (parti depuis), est connu pour sa musique radicale et ses textes très engagés. De manière générale, les groupe de métal ont abandonné très tôt les textes niaiseux “sex, drug and rock n’roll” pour s’attaquer à des choses beaucoup plus politiques.
Accept pousse les textes et la musique assez loin, créant la polémique. Pro-nazis pour certains européens, pro-russes pour les américains, pro-gays pour les religieux, à l’époque personne ne prend vraiment le temps de lire les textes. Après être montés au sommet puis avoir failli disparaitre plusieurs fois, Accept a su se réinventer et revenir dans un style plus agressif que jamais.
Après un set honorable des américaines de The Iron Maidens qui reprennent les morceaux du groupe phare Iron Maiden, Accept attaque pied au plancher. Les guitares flying-v hyper saturées se répondent avec fluidité, le ton est insurrectionnel.
Presque deux heures de show millimétré, les musiciens parlent peu mais ils ont le smile, heureux de pouvoir, 40 ans après, faire encore chavirer les salles. Smile encore plus grand lorsqu’une jolie spectatrice décide de tomber le haut et de se balader au-dessus de la fosse, portée par le public. C’est peu fréquent dans le métal, qui vient en contre-culture fermer la porte au flower power de la mode hippie, en abordant des thèmes radicaux et parfois sombres. Pour l’anecdote, on trouve dans la musique metal le fameux triton, cet accord sombre que les moines auraient banni de la musique médiévale, le “Diabolus in musica”…
Le seul rescapé du line-up orignal est Wolf Hoffman qui avait intégré le groupe à l’âge de seize ans. En plus d’être un énorme show man, Hoffman, passionné de musique classique, s’inspire des Bach, Beethoven, Tchaikovsky… pour introduire des mélodies lyriques au milieu des rythmiques tribales.
Presque deux heures de show avec les nouveautés et les vieux morceaux cultes, un set interactif avec un Hoffman qui harangue la foule non stop, un superbe moment.
Parmi les rappels l’inévitable “Princess of the Dawn” et, pour finir en apothéose, le premier morceau du groupe qu’ils avaient piqué à AC/DC qui n’en voulait pas: le tribal “I m a rebel”.
Petite video pour l’ambiance …
22h45, Accept vient de quitter la scène, les gars du vestiaire sont en cardio pour nous rendre nos parkas au plus vite et pouvoir fermer la salle. Demain sur Paris c’est jour de grève, un des gars nous lâche qu’il file direct du concert à la manif; de notre coté ce sera une dernière bière dans une belle cave au métro Oberkampf, histoire de refaire le match.
Je pensais terminer avec un paragraphe sur les différents modèles de guitares (Les Paul, Stratocaster…) mais l’article se fait long, je garde donc cela pour l’épisode 2.
Bonne fin de week-end
N.
2 commentaires
Et oui, l’Olympia est toujours mythique. Perso j’y ai vu un groupe aussi innatendu que les metalleux: Beruriers Noirs en 89 (et merde…encore un quinquat!) Pour les curieux, c’est ici: https://www.youtube.com/watch?v=UvCOTZ4qUl8
Et je confirme, que ca peut en entonner certains, mais ces concerts reunissant que des gens qui ont l’air peu recommandables vu le look mais la bienveillance est de mise!
I agree except on the “nico le vrai de vrai”, I m “true niko”