Je suis cigale sur tout, sauf peut-être sur mes congés que je déteste gaspiller et que j’ai donc tendance à accumuler. Encore plus cette année où tout est resté longtemps fermé, et nous avons été nombreux je pense à temporiser, à attendre le dernier moment pour, sans aller jusqu’à espérer la reprise des longs ou moyens courriers, au moins éviter des vacances sous cloche sanitaire.
Et à force de patienter, de reporter, de « postponner » même pour ceux qui maitrisent la « deadline » et le « ASAP« , nous nous sommes retrouvés fort dépourvus lorsque la mi-Mai fut venue (cigale un jour…). Avec un nombre de jours déraisonnable de vacances à reporter nous nous retrouvions à la croisée des chemins, ces congés il fallait donc maintenant les perdre ou les poser…

Je m’étais dit il y a quelques semaines qu’au pire ce serait la Loire à vélo, et avec le temps ce qui n’était au départ qu’un plan B est devenu une vraie destination de cœur.
Les amis on rembobine, nous retournons fin Mai et les terrasses commencent à rouvrir, le couvre-feu tombe à 21h, et je vous emmène à fleur de Loire entre Tours et Angers, ambiance « quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins » c’est parti…
Départ pour Tours
Quand on voyage on ne peut jamais tout prévoir, mais avec une bonne préparation on peut quand même fortement réduire les risques. Révision du vélo, pneus renforcés (indispensable), chargement limité, étapes de longueurs raisonnables et avec à chaque stop un hébergement « accueil vélo » de réservé, outillage et équipement de base (si vous ne savez pas quoi en faire, il y aura toujours quelqu’un qui saura), bref que du bon sens, mais qui peut vous éviter au final des vacances gâchées.

Attention les amis, il y a très peu de places pour les vélos dans les TGV. Il vaut mieux je pense commencer par réserver vos billets de train avant d’attaquer les hébergements, car rien ne dit que vous trouverez des places pour vos vélos aux jours souhaités. Plan B : vous louez vos vélos sur place, c’est certainement plus confort.

Le jour du départ le ciel va nous tomber sur la tête à quelques encablures de la gare Montparnasse, ce qui va nous permettre d’étrenner nos ponchos imperméables. Le mien, noir et jaune fluo, vous donne des faux airs d’extra-terrestre échappé de la cultissime « Soupe aux Chous », vous voila donc protégé à la fois de la pluie et de l’amour.
Moins de deux heures après c’est la place Plum’ et ses belles maisons Louis XI sous un soleil radieux, le roadtrip démarre sous de bons auspices. Avec sa vieille ville et ses rues animées, Tours est le point de chute idéal pour rayonner, pour explorer cette magnifique région à la découverte des célèbres Châteaux de la Loire qui dominent le fleuve.

Je m’y rends une ou deux fois par an pour aller saluer les Chenonceau, Chaumont et autre Amboise, ces fleurons qui vous transportent dans le temps et que le monde entier nous envie. Et à chaque fois le même rituel : la petite soirée à la Guinguette au pied du pont Wilson, magnifique…

Comme je vous le disais plus haut, l’idéal est de réserver dans des hôtels ou des gites bénéficiant du label « Accueil Vélo« , ce qui vous assure au minimum que vos vélos ne dormiront pas dans la rue. Pour trouver ces hébergements je vous recommande ces deux sites : la Loire à Vélo qui m’a piqué mon titre, et surtout France Vélotourisme .

Et puis tant qu’on y est je vais dire un peu de bien de l’hôtel Le Cygne, idéalement placé et très abordable, avec une petite terrasse intérieure bien sympa après 21h, lorsque le lockdown est tombé.


De Tours à Langeais, le gros temps
Tours s’étire entre Loire et Cher (ces gens-là ne font pas de manière…), pour cette première étape nous avons décidé de suivre le Cher qui est un affluent de la Loire, le chemin suit une digue très peu fréquentée, à l’écart de la route et des habitations.
Surtout les amis ne suivez pas vos GPS dont le but est de vous emmener au plus vite à destination, choisissez plutôt de récupérer un des nombreux itinéraires « Loire à Vélo » et de suivre les panneaux verts et blancs.

Tours – Langeais a peut-être été l’étape la plus fatigante, contre le vent et entre les gouttes, un excellent baptême du feu. Le chemin passe tout proche des jardins de Villandry qui sont à voir.
Alors si le vélo c’est la liberté, quand vous partez en vélo rando vous avez constamment avec vous vos bagages. Moi par exemple j’ai eu la mauvaise idée de voyager avec mon ordi, et donc il n’est pas facile de laisser vélos et bagages sans surveillance pour s’arrêter visiter. Je pense qu’il faut sur son parcours des jours où l’on ne change pas d’hébergement, histoire de pouvoir laisser ses affaires à l’hôtel et partir balader, mais nous c’était un jour une étape, hit the road jack !


Langeais, il faut imaginer un petit village construit autour de son beau Château que l’on peut (et que l’on doit) visiter .
Côté histoire, le château a vu passer des illustres personnages tels Philippe Auguste ou Richard Cœur de Lion, le fils chouchou de la belle Aliénor. Mais le passage marquant a été le mariage précipité d’Anne la Duchesse de Bretagne avec le roi de France Charles VIII qui l’a piquée en douce à Maximilien l’héritier du Saint Empire Germanique. Maximilien avait pourtant épousé la riche héritière en premier par procuration (en distanciel comme on dit quand on est docteur en Teams).



Résultat, le royaume de France qui aurait dû se retrouver encerclé par le Saint-Empire Romain Germanique, au risque d’être conquis, récupère au contraire les immenses territoires bretons ! Bien joué Charly 8 !

Alors les amis Langeais ce n’est pas Miami, et pour trouver un resto ouvert ça a été compliqué. Je vous rappelle qu’on est fin Mai, les établissements hors des grandes villes peinent à rouvrir, à 21h il faut être rentré, et à la télé c’est la ronde des forcenés. Vous savez le fameux forcené que vraiment on tombe des nues, rien n’aurait permis de présager, vraiment pas le moindre signe, à part peut-être que depuis quelques temps le gars venait au boulot vêtu d’un gilet pare-balles…
Langeais à Chinon, dans les vignes
Après une nuit particulière dans une chambre d’hôtel surréaliste c’est le départ vers Chinon. Le ciel commence à se dégager, et pédaler dans un paysage en couleurs ça dope le moral.


La Loire ne passant pas à Chinon, nous sommes donc descendus suivre l’Indre un autre joli affluent et qui passe proche du magnifique château d’Ussé que vous trouverez dans mon ancien blog, le snack juste devant le château est un excellent endroit pour faire sa pause dej.

Ensuite il faut couper dans les terres pour aller récupérer la Vienne, qui elle passe à Chinon avant d’aller se jeter dans… la Loire (dans les bagarres de confluence c’est toujours la Loire qui gagne à la fin)
Attention les amis, quand vous quittez la rivière ça grimpe, encore plus quand le seul moteur pour franchir les coteaux c’est vos cuisses. Sur les hauteurs vous allez traverser des vignes car comme vous le savez la région est aussi connue pour son vin, traverser d’autres petites choses dont je vous laisse la surprise, pour ensuite redescendre sur la belle Chinon que j’apprécie particulièrement.




Après ce bel effort je vous recommande d’aller prendre un verre à la guinguette de l’autre côté de la Vienne, l’endroit est assez magique.



La ville est très agréable à balader, vous pouvez grimper jusqu’au château d’où vous pourrez profiter d’une belle vue sur la ville médiévale. Bonne nouvelle, ici le masque n’est pas obligatoire en extérieur, et aucun souci pour trouver une table convenable en guise de récompense.

Une superbe deuxième étape, à Chinon il y a du choix pour se loger mais si vous manquez d’inspiration vous pouvez aller les yeux fermés chez Angélique qui tient l’hôtel Agnes Sorel dont nous étions les seuls hôtes.
De Chinon à Saumur, la sauvage
Nous quittons au matin la belle Chinon par le pont…Aliénor d’Aquitaine pour laquelle vous connaissez mon affection indéfectible, et nous laissons donc la Touraine des vins de Chinon chers à Rabelais, pour l’Anjou du Saumur-Champigny cher à… Rabelais.

Alors nous n’avons pas suivi l’itinéraire Loire à Vélo pour rester rive gauche sur les bords de la Vienne, et nous voilà parti pour une dizaine de kms peu praticables à vélo, surtout si vous n’avez pas de pneus renforcés. Quand j’ai acheté mon vélo et que grâce à mes 100kgs et ma conduite délicate j’ai crevé deux fois, quasiment lors des deux premières sorties, j’ai investi dans des pneus renforcés. Le gars qui répare les vélos pas loin de chez moi m’avait garanti que je pouvais maintenant aller faire du vélo chez les fakirs, j’ai bien aimé l’image, et depuis plus aucun souci.

A la confluence de la Vienne de de la Loire se trouve le beau village de Candes Saint-Martin, et bonne surprise sur la place nous tombons sur la belle auberge de la Route d’Or et sa jolie terrasse qui touche l’église, église au passage où est mort Saint-Martin de Tours. Un petit miracle car croyez-moi les restaurants ou snacks ouverts se faisaient rares.

Saint-Martin, en quelques mots, est un personnage emblématique de la chrétienté. Ancien légionnaire, il aurait partagé son manteau avec un malheureux pour le sauver du froid, et s’est ensuite mis en tête d’évangéliser une région où se bagarrent allègrement romains, gaulois et des barbares obsédés par passer le Rhin pour venir voir si l’herbe est plus verte et les filles plus jolies, vaste projet.
Après Candes nous récupérons l’itinéraire officiel qui passe par les villages troglodytes pour ensuite descendre longer la Loire sur une belle partie sauvage et marécageuse.

S’en suit une dizaine de kms en bord de Loire au milieu d’un espace naturel protégé avant d’arriver à Saumur. Une alternative qui a l’air également sympa est de faire le chemin par les vignes sur les hauteurs.

La perle de l’Anjou avec ses nombreuses bâtisses classées et son château sur les auteurs est un incontournable de la balade. Presqu’autant animée que Tours, Saumur propose un parcours découverte plutôt bien foutu.


Mais la vraie découverte a été le Saumur blanc. On est habitué au rouge qu’on trouve partout et qui accompagne tout plutôt bien, mais le blanc est vraiment un cran au-dessus. D’ailleurs sur Paris on le trouve beaucoup moins facilement, et à des prix parfois déraisonnables.

Coté hébergement il y a l’embarras du choix, si vous hésitez l’hôtel de Londres est une valeur sûre, avec un vrai accueil à vélo et une très jolie terrasse pour le backup d’après 21h. Je dis « vrai accueil à vélo » car certains hôteliers ne sont pas vraiment équipés, mais sont prêts à faire dormir vos vélos dans leur chambre pour pouvoir bénéficier du label.
Après une bonne nuit de repos et un dernier café sur la place du marché c’est reparti pour l’étape la plus sauvage du parcours.

De Saumur aux Rosiers-sur-Loire, à fleur d’eau
Si vous voulez profiter de la balade vous ne pouvez pas rallier directement Angers cela fait une trop longue étape, du coup il vous faut trouver un stop à mi-parcours, pour nous ce sera un gite près des Rosiers-sur-Loire.
A la sortie de Saumur vous avez la possibilité de poursuivre par la rive gauche ou la rive droite, nous avons choisi de délaisser la piste cyclable et de plonger rive droite sur les sentiers à fleur de Loire pas forcément adaptés au vélo.



Quand vous vous engagez sur ce type de sentier vous ne pouvez en sortir qu’au prochain village, car depuis le moyen-âge la Loire est en partie longée par une levée, sorte de digue qui protège des crues.
Pour la pause dej nous avions entendu parler d’une guinguette à l’écart de tout, le coco’ning. Ayant mystérieusement brulée à Angers (j’ajoute mystérieusement pour le coté drama), son propriétaire l’a reconstruite dans la pampa.

Même si c’est plus ambiance Saint-Martin que Saint-Tropez, cette guinguette surprend et fait un peu office d’oasis au milieu des champs et des cultures. La cuisine est excellente et les prix très abordables, il parait même que les habitués de l’ancienne adresse font le chemin jusqu’ici le weekend.
Le temps de se ressourcer et c’est reparti sur les sentiers à fleur d’eau.


Un peu moins de 10 kms de sentiers ou il faut rester un peu concentré et c’est l’arrivée aux Rosiers-sur-Loire. Là les amis vous oubliez guinguette et restal (du moins quand nous y étions), tout tourne autour du bar-tabac-pmu-librairie-centre de recherche atomique-patinoire tenu par une charmante famille, le cœur de la ville.

L’occasion de faire quelques courses car ce soir nous avons un écolodge un peu loin de tout, de quoi se poser et bien préparer la dernière étape.

Autre possibilité d’étape, en face des Rosiers de l’autre côté du fleuve se trouve la petite ville de Gennes qui a l’air mieux équipée et plus animée, peut-être moins authentique.
Angers, terminus
Dernière étape, et pas des moindres puisque ce n’est pas moins de cinquante kilomètres qui nous attendent. Après un dernier café en compagnie de quelques habitants bien sapés et attendant l’appel de la messe, nous quittons les Rosiers et passons sur la rive gauche vers le petit village de Thoureil qui offre des points de vue ambiance « peintres impressionnistes ».



Nous mettons le cap sur Saint Mathurin qui se trouve une quinzaine de kms et qui est le prochain point de passage au-dessus de la Loire. Vous verrez d’ailleurs que les ponts la Loire ne sont pas légion (comme on dit à Camerone), il faut avoir un peu bachoté son trajet.
Avant de franchir le fleuve nous traversons un immense camp de gens du voyage en pleine messe. Le prêche était très animé et plutôt engagé, ç’était probablement un prêche protestant évangélique comme on peut en voir dans les films ricains. J’avais envie de prendre quelques photos, mais l’ambiance m’a rappelé à quel point la RGPD comptait dans ma vie.


Saint-Mathurin constituait un bel espoir de pause déjeuner, mais c’est le drame : impossible de trouver une table où se poser. Après 10 kms d’errance dans la pampa loin du fleuve, sans croiser personne, à espérer un snack ou une boulangerie après chaque virage, comme dans un mirage nous avons vu l’oasis : une magnifique guinguette en bord de Loire.

Au bout d’un moment tous les chemins mènent à Angers, je vous encourage fortement à suivre la Loire jusqu’à l’embouchure de la Maine, puis de remonter la Maine jusqu’à Angers. Vous allez vous retrouver à pédaler par moment sur une étroite bande de terre avec la Maine d’un côté et des étangs de l’autre, c’est super beau.



L’entrée dans Angers via la Maine, avec ce château massif qui surplombe la rivière est assez impressionnante. La ville du roi René est une découverte pour moi, et oui amis aixois, le roi René qu’on croise à Aix et qui trône en haut de notre magnifique cours Mirabeau, c’est René d’Anjou.

Je comprends que beaucoup finalement préfèrent Angers à Tours, c’est une jolie ville tranquille où l’on sent qu’il fait bon vivre. La vieille ville, les nombreuses places, une certaine dolce vita.



Coté visite il y a l’embarras du choix, Angers fait partie des 20 plus grandes villes de France, mais à mon sens l’incontournable c’est la forteresse qui domine la ville.



Le clou de la visite est la tapisserie de l’Apocalypse qui a été commandée par un Duc d’Anjou en plein moyen-âge et qui s’inspire de l’Apocalypse de Jean, un des récits bibliques. La tenture de plus de 100 mètres est exceptionnellement conservée, quand on voit les visions retranscrites il y a de quoi faire un bon film Netflix -16 ans avec les warnings drogue-violence-hallucinations.

Et voilà les amis le trip se termine, demain c’est retour Montparnasse qui sera un peu galère car la SNCF ne nous a pas réservé les emplacements vélos que nous avons pourtant payés. J’ai dû laisser ma place et passer tout le voyage retour à manœuvrer le vélo pour donner les accès, et à l’empêcher de tomber sur les gens qui passaient… « cimer » la SNCF !

Conclusion, à refaire vite
La petite escapade a un gout de « reviens-y », il n’est pas impossible que je me refasse un trip vélo puisque ma prochaine destination prévue, la Corée, tarde à rouvrir. Alors cela peut paraitre présomptueux pour un novice de donner des conseils mais il y a des choses qu’on apprend vite, je partage avec vous quelques points qui pourront peut-être vous servir.
- Achetez en priorité les billets de trains car les places dans les TGV pour les vélos sont très limitées. Plan B : louer les vélos sur place.
- Réservez dans des hébergements labélisés « Accueil Vélo ». Prévenez les établissements que vous avez des vélos.
- Partez avec des pneus renforcés (35 euros pièce, le prix de la tranquillité).
- Voyagez léger, chargez le porte-bagages plutôt que le sac à dos.
- Ne planifiez pas d’étapes de plus de 50 kms, dans l’idéal entre 25 et 35.
- Emportez accessoires et outils de base, on a eu de la chance de trouver une clé au moment nous en avions besoin
- Prévoyez des jours où vous ne changez pas d’hébergement, histoire de pouvoir laisser vos bagages pour pouvoir visiter.
- Ne suivez pas vos GPS mais plutôt les panneaux « Loire à Vélo »

Bonne fin de week-end
N.