Les amis, ces derniers temps j’avais mis un peu le blog de coté pour me concentrer sur d’autres sujets qui me semblaient plus adaptés à cette période qui reste confinée, même si elle ne veut pas l’avouer.
Force est de constater qu’un an après on est au même point, peut-être le sulfureux conseil scientifique en moins. Aux scientifiques “rassuristes” et “alarmistes”, qui se bagarraient l’été dernier, ont succédé les “enfermistes” partisans de la manière forte, et avec lesquels l’exécutif a récemment pris ses distances.
Si on ajoute les débats qui virent “discussions de comptoir” autour du fameux “islamo-gauchisme” qu’on confond aisément avec le décolonialisme qui, pour le coup, est un vrai courant universitaire; et qu’on soupoudre le tout d’une pincée de cancel culture, on ne peut que constater que la période actuelle est pour le moins clivante.
Si ca se trouve dans mille ans on appellera cette période le Néo Moyen-Age, et oui les noms des grandes périodes de notre Histoire ne sont donnés qu’après coup. Personne ne s’est jamais dit “mince c’est pas facile d’avoir vingt ans en plein Haut Moyen-Age“, ou encore “quel bonheur j’ai de pouvoir étudier l’art au tout début de la Renaissance“….
Et puisqu’on parle de Moyen-Age, je vais profiter de ce Lundi de Pâques hivernal pour revenir sur l’un de mes personnages historiques préférés, que j’avais traité dans mon ancien blog mais à qui j’avais également envie de faire une place dans le nouveau.
Longtemps mis à l’écart pour une prétendue légende noire, ce personnage pop et avant-gardiste devient à la mode ces derniers mois, et je vous le prédis, sera dans les années venir le porte étendard de la cause féministe.
Sur les pas de la belle Aliénor d’Aquitaine, la première femme politique, c’est parti…
Les punks de la cour d’Aquitaine
Les amis le Moyen-Age ça rigole pas : on y mange peu, on y prie beaucoup, et on y meurt vite. Il faut imaginer qu’au début de la dynastie Capétienne le domaine royal est réduit à l’Ile de France, le reste du royaume est tenu par des grands seigneurs qui sont les fameux vassaux du Roi, et qu’il faut cajoler pour s’assurer de leur loyauté et de leur aide en cas de coup dur.
Pour autant l’ouest du pays échappe à cette ambiance austère. A la différence de Paris la rigoriste latine, le Duché d’Aquitaine est baigné d’influences grecques. Ici on rit, on philosophe, on chante, on jongle, on danse, on crache le feu et on poétise sur l’amour courtois.
La duchesse Aliénor a 15 ans et elle est rayonnante, le Roi de France se dit que c’est l’occasion unique de caser son peu dégourdi de fils, et de ramener les immenses terres d’Aquitaine, qui s’étendent de la Loire jusqu’aux Pyrénées, au sein du domaine royal.
En 1137 la jeune Aliénor se retrouve donc mariée au futur Louis VII et est propulsée Reine de France. Elle doit quitter sa cour chérie pour rejoindre Paris, et fait vite scandale en introduisant de la joie et du raffinement là où ne règne que l’abrupt et l’austère.
Poètes, troubadours, jeux, fringues colorées, coiffures déjantées et décolletés plongeant… La jeune reine punk retourne la cour et ça fait sacrément jaser. Aliénor s’ennuie ferme avec son “moine de roi” qui n’a pas un sou de fun, pas vraiment d’envergure, et qui se contente de gérer au mieux les querelles de clocher.
Feu contre glace, le couple est mal assorti. Aliénor qui a du mal à se faire à sa nouvelle vie parisienne, envisage déjà de se séparer. Et comme elle a oublié d’être bête, elle a bien négocié en son temps : si jamais le mariage venait à être annulé elle récupérerait toutes ses terres.
De l’autre côté de la Manche ce sont les Plantagenet qui sont au pouvoir. Aliénor se fait d’ailleurs gentiment dragouiller lors d’une réception par Henri Plantagenet, un jeunot mais qui pourrait bien devenir roi d’Angleterre à la faveur des guéguerres de famille. Une rencontre qui n’est pas anodine et va compter pour la suite…
L’incident d’Antioche et la Légende Noire
Au même moment en Orient ça bagarre sévère pour le contrôle des lieux saints. Les Etats Latins d’Orient se retrouvent vite en difficulté contre les assauts turcs et arabes, si bien que le pieux Louis VII, encouragé par le Pape, va lancer la seconde croisade.
La fougueuse Aliènor qui a soif d’aventure veut absolument en être, aussi les croisés se mettent en marche dès 1147 pour Byzance avec épouses et suivantes. Les chevaliers Francs n’étaient pas réputés pour faire dans la dentelle, cela a du leur paraître étrange de s’entraîner au combat sous l’œil des conjointes discutant chiffon.
L’expression “c’est Byzance” n’est pas infondée, on peut imaginer l’émerveillement d’Aliénor l’artiste lorsqu’elle découvre cette cité mythique peuplée de palais merveilleux où le faste est partout, aux antipodes de ce qu’elle pouvait vivre en France. A l’inverse, ce déballage de richesses agace profondément l’austère Louis VII, si on ajoute à cela que la belle Aliénor se fait draguer par tout ce qui bouge les disputes s’enchaînent, il est temps de partir.
Le point de non retour va être atteint lors d’une halte à Antioche où Aliénor retrouve son oncle, Raymond de Poitiers, qui dirige la ville. Le tonton est un aventurier séduisant, et la jeune Aliénor tombe vite sous son charme. Personne ne sait jusqu’où la roucoulade est allée, mais Louis VII ne supporte plus de voir Aliénor passer du temps avec son oncle, surtout que ce dernier, fin tacticien, essaye d’influencer la croisade en se servant de sa nièce qui prend fait et cause pour lui.
Le mal est fait, la Légende Noire de la reine de petite vertu est née sous la plume des biographes et autres conseillers du Roi. Sur une dernière altercation violente où la belle Aliénor annonce que pour elle la croisade est terminée et qu’elle reste à Antioche, Louis VII la fait enlever de force et quitte la ville en douce.
La suite de la croisade ne sera qu’une longue série d’erreurs et de catastrophes militaires, les croisés doivent se résigner à rentrer bredouilles en France. Aliénor et Louis VII ne se supportent plus; plus que “chambre à part” ils vont faire “bateau à part” puisque les deux époux vont rentrer de croisade sur deux navires différents.
Celui d’Alienor va être capturé par des pirates, ce qui va bien faire marrer le Roi de France qui va la laisser se débrouiller, mais la belle aventurière a de la ressource et finira par rentrer au pays. Il faut alors se rendre à l’évidence: le couple royal, au grand désarroi du Pape, va devoir se séparer. Le fait qu’Aliénor n’ait pas donné d’héritier mâle au Roi de France aide à rompre le mariage malgré le scandale (un de plus).
De Reine de France à Reine d’Angleterre
Revoilà donc la jolie trentenaire célibataire, et la nouvelle se propage comme une traînée de poudre dans tout le Royaume, si bien que lors de son voyage retour vers son Duché d’Aquitaine chéri elle va échapper de façon rocambolesque à deux tentatives d’enlèvements par des seigneurs qui souhaitaient l’épouser de force (c’est comme cela qu’on séduit chez les chevaliers Francs) histoire d’annexer les immenses territoires qu’elle vient de récupérer.
Réalisant qu’elle ne pourra pas échapper longtemps à tous ces seigneurs sanguins à ses trousses, Aliénor va repenser ce jeune Henri Plantagenet qu’elle avait tant apprécié à l’époque.
Moins d’un an plus tard en 1152 le mariage est célébré, Henri Plantagenet devient Henri II Roi d’Angleterre, et après avoir été Reine de France, Aliénor d’Aquitaine devient Reine d’Angleterre; rattachant au passage le puissant Duché d’Aquitaine au Royaume Anglais au grand désarroi des français.
Je vous laisse découvrir la suite, la belle va vivre encore une cinquantaine d’années (unique à l’époque ou l’espérance de vie est de trente ans) en régnant à la foi sur l’Angleterre et sur ses terres d’Aquitaine qu’elle va faire prospérer. Elle passera également le reste de sa vie à soutenir Richard son fils préféré, qui deviendra le célèbre roi Richard Cœur de Lion que l’on peut apercevoir, entres autres, dans Robin des Bois.
Au passage, c’est bien l’hyper présence anglaise en Aquitaine qui va être une des causes majeures de la Guerre de Cent Ans quelques siècles plus tard, nous verrons cela plus tard.
Et voilà, j’ai enfin pu rendre visite à ce personnage romanesque si moderne. Si vous passez en pays de Loire, entre Saumur et Chinon, vous pouvez toujours faire un crochet et aller saluer Alienor d’Aquitaine dans sa dernière demeure, à l’abbaye de Fontevraud.
Comme vous le savez peut-être, en Mai nous célèbrerons les 150 ans de la semaine sanglante de la Commune de Paris dont nous avions parlé dans l’article précédent, et surtout les 200 ans de la disparition de Napoléon Bonaparte.
Il y aura certainement matière à écrire deux trois trucs.
Bonne fin de weekend
N.
2 commentaires
contenu formidable, merci pour nous montrer.
Hey very interesting blog!