Il n’y rien de plus beau qu’un concert de metal, d’autant plus quand les groupes jouent le money time. Quarante ans de carrière pour les new-yorkais d’Anthrax, tout derniers concerts pour nos frenchys de Shaka Ponk, l’occasion était trop belle d’aller saluer une dernière fois ces monstres de la scène qui passaient par Paris la semaine dernière.
Allez les amis on passe sa tenue de combat et on file au Zenith pour commencer accueillir Anthrax. La bande à Scott Ian a amené dans ses valises deux autres groupes, Testament et Kreator, pour une soirée qui s’annonce sous le signe du trash metal.
Anthrax propage la contagion
C’est avec certaine émotion que je débarque au Zenith retrouver Anthrax, la dernière fois que je les ai vus sur scène j’étais ado et ils ouvraient sous un chapiteau pour un groupe qui s’annonçait prometteur : Metallica. En France nous étions habitués au metal british où tout est artwork et réfléchi, où les groupes créent autour d’eux des mondes dystopiques et où les compos sont engagées. Voir débouler ces new yorkais fringués sportswear, casquettes, short et sneakers, qui bougent comme des rappeurs en jouant vite et fort a été un sacré choc thermique. Je découvrais le trash metal.
Trash Metal, kesako ?
Lorsque la 2ième vague du heavy metal, originaire des villes industrielles du nord de l‘Angleterre et de la banlieue populaire de Londres, a voulu percer aux US, les groupes ont dû faire quelques compromis(sions). Certains y ont laissé leur âme, optant pour un style plus posé, plus glam. En réaction une certaine scène s’est radicalisée, portant les valeurs du heavy metal mais en jouant plus fort, plus vite, un style plus agressif et encore plus engagé : le trash metal était né.
Le trash metal est vite devenu un style majeur, avec en fer de lance un big four 100% ricain composé de Metallica, Slayer, Megadeth, et donc Anthrax que nous avons le grand plaisir d’accueillir ce soir.
Coté audience le Zenith est quasi plein, c’est beaucoup plus jeune et plus mixte que les concerts de metal classiques, sans doute aussi parce que les concerts de trash sont le paradis des amateurs de « slam », la pratique qui consiste à se faire porter par le public jusqu’à la scène. 19h15, Testament ouvre le show.
Testament, l’ancien et le nouveau
C’est donc Testament qui a la tâche d’ouvrir le bal. Le groupe originaire de San Francisco fait partie des vieux routards du style et bénéficie d’un fort capital sympathie, aussi il ne leur faut pas longtemps pour porter la fosse à ébullition. Comme souvent dans les groupes californiens le lineup est métissé, notamment Chuck Billy le chanteur qui est d’origine amérindienne.
Je ne connais pas bien le monde du trash metal, aussi je découvrais ce groupe plutôt sympa. Les compos sont rapides, les solos de guitares mélodiques et tranchants, la ligne de chant s’approche un peu du black metal (et oui il y en a des dizaines de styles les amis). Les premiers « circle pits » se forment et la fosse bouge beaucoup.
Testament va jouer presque une heure, un set très honorable. Les californiens mettent à dispo aux groupes qui suivent une salle chauffée à blanc.
Kreator… et à travers
Kreator je ne les connaissais que de nom, mais j’ai remarqué en arrivant dans le public le grand nombre de visuels à leur effigie, le groupe phare du trash allemand semble avoir une solide fan base. Il faut moins de trente minutes aux roadies (deutsche qualität…) pour monter une scène incroyable avec d’immenses démons, des brasiers dont on sentait la chaleur jusque dans la fosse, des pendus, des empalés… on se retrouve soudain plongés au fin fond des enfers.
Les amis vous connaissez la musique « easy listening » ? Et bin Kreator c’est pas vraiment ça : un rythme infernal, des thèmes très sombres et satanistes, une voix gutturale, pour moi nous ne sommes plus dans le trash mais plutôt dans le death ou le black metal.
En tous cans les fans sont ravis, ça « slame » à fond. Je suis percuté au niveau du crâne par le postérieur d’une fille qui déboule par l’arrière. Le temps de me dégager de la jupe et la fille file vers la scène. Je vois le gars devant moi qui se masse douloureusement la tête, je comprends que lui a pris un coup de rangers, moins chanceux…
Si Mille Petrozza, le frontman du groupe, ne cesse d’encourager le public à dynamiter la salle, on se retrouve tous surpris lorsque le bassiste prend la parole et fait un super discours dans la langue de Molière. Il se trouve que Frédéric Leclercq est un compositeur et un musicien multi instrumentalistes français qui évolue dans plusieurs formations. Il est très content de jouer ce soir en France et le fait savoir avec beaucoup d’émotions.
Au final Kreator c’est trop violent pour moi, mais c’est un groupe très technique, très pro, et je comprends l’engouement qu’ils suscitent, notamment chez les plus jeunes.
ANthrax, la flamme est toujours là
Après la prestation des allemands qui ont placé la barre haut, je me dis qu’Anthrax va devoir sortir l’artillerie lourde. Anthrax les amis c’est avant tout un personnage, Scott Ian, le fondateur du groupe et le grand chouchou des fans, ce qui est rare pour un guitariste rythmique. Amateur de hip hop, Scott Ian s’est ouvert à ce genre notamment en faisant des duos Anthrax avec Public Enemy, également des new yorkais. Public Enemy, un groupe controversé et très engagé sur la cause de la communauté afro-américaine, un cauchemar pour les responsables du maintien de l’ordre les soirs de concerts.
Dans les années 80, ouvrir le metal à d’autres styles était plutôt novateur, et quarante après le groupe est toujours là. Après que les techniciens ont débarrassé l’immense décor de Kreator et monté une scène assez minimaliste comme les aime Anthrax, le groupe rentre enfin dans l’arène.
Anthrax pour le coup je connais . J’ai bossé un peu la setlist, ce que me reproche parfois ma concert mate car c’est bien aussi d’être surpris. Ce soir je suis venu en solo, le trash metal ça peut vite devenir une torture si on n’entre pas dans l’ambiance et je n’ai pas voulu prendre de risque.
Anthrax va faire le show en déployant toujours la même envie, la même énergie. Ils vont surtout taper dans leurs trois premiers albums, les « Mad house », « I am the law » ou « A.I.R » qui vont renverser la salle. Derrière moi deux très jolies filles qui ont profité du break pour s’amuser en prenant beaucoup de selfies font monter la température. Les gars autour, qui sont peut-être venus de loin, en oublient vite Scott Ian et le concert : les filles ont capté toute l’attention. Ca drague dur mais le metal est une musique de perfect gentlemen, rien de déplacé.
Au milieu de « Indians », Scott Ian lance la « war dance » mais le groupe s’arrête de jouer car il trouve que l’ambiance est trop molle, il faut dire que les plus virulents ne se sont pas ménagés et commencent à fatiguer. Scott Ian explique que, quand on vient voir Anthrax, sur la « war dance » il faut tout donner… Quand ils reprennent évidement la fosse explose.
Allez les amis, je vous emmène au cœur du concert avec un petit montage, on se fait un bout de Kreator et un bout d‘Anthrax .
J’ai essayé de prendre quelques photos souvenirs mais entre les fumigènes, les stroboscopes et les gars qui ne tiennent pas en place, ça n’a pas été facile. Au final un super moment, Anthrax va entrer en studio et s’ils reviennent dans le coin j’y retournerai avec un énorme plaisir.
Shaka Ponk, l’adieu aux armes
Le « Parisien » et les autres canards auraient sans doute tenté un « adieu aux larmes », mais ici on est quand même plus qualitatif. Cette semaine les immenses Shaka Ponk ont donc donné leurs quatre derniers concerts à Bercy, tous sold-out comme d’ailleurs toute leur tournée qui a duré un an et demi .
Shaka Ponk, les amis, je connais leurs grands tubes mais ça ne va pas bien loin. Aussi je me suis installé en tribune car en fosse quand je ne connais pas trop les compos je ne me sens pas vraiment à ma place. Coté public on trouve tous les âges, et je m’attendais quand même à plus métissé, décidément dans le rock et le metal en France on a du mal à attirer toutes les communautés. 21 heures, alors que la salle est éclairée le groupe fait son entrée en se baladant dans les coursives de Bercy, serrant des mains et faisant des selfies, plutôt sympa. Puis ils s’installent au milieu de l’arène pour une partie acoustique entrecoupée de discours très engagés.
Parce que s’ils arrêtent, c’est que leur mode de vie va à l’encontre de leur engagement social et environnemental plutôt radical. D’ailleurs ils ont distribué les tacles toute la soirée : Emmanuel Macron, les gouvernants, les impérialistes, les pollueurs, les massacreurs, les profiteurs, les diviseurs, les matraqueurs… tout le monde y a eu droit, avec en prime un appel au boycott d’une liste de grandes marques et enseignes.
Après la partie acoustique le groupe rejoint la scène pour un set metal électro. Aux métalleux qui pestaient de la participation des Shaka Ponk au Hellfest, j’ai envie de dire que j’ai rarement vu un concert aussi intense, aussi électrique, aussi engagé…une pépite. Quant aux musicos (gratteur, clavier, bassiste et batteur), de ce que j’en ai vu ils n’ont rien à envier à la grande majorité des musiciens de metal.
Pendant que la charismatique Samaha, portant ses traditionnels maquillages indiens, fait monter la température, le chanteur Phra ne cesse de slamer et de surfer sur la fosse.
S’en suivent quelques passages intenses: lorsque Samaha se drape dans le drapeau de la Palestine, lorsque le l’astrophysicien Aurélien Barrau vient lire un texte très humaniste, ou encore quand Phra lance un immense circle pit au milieu de la fosse. Au passage j’ai adoré la chorale Sankofa Unit qui a donné une vraie dimension gospel au show, avec des danses psychédéliques un peu dans l’esprit bollywood.
Allez comme pour le trash metal je vous propose un petit montage que j’héberge sur YouTube histoire de ne pas saturer l’espace blog.
Et voilà les amis, Shaka Ponk a déclaré l’extinction de son espèce hier soir, le groupe c’est terminé. Je n’étais pas un grand fan mais avec Téléphone (et Trust) je pense que Shaka Ponk fait partie des rares grands groupes de rock ou metal électro Français, un domaine dans lequel nous ne sommes pas très forts.
Même si leur mode de vie va à l’encontre de leurs convictions, Shaka Ponk c’était une énorme caisse de résonnance pour faire passer leurs messages, peut-être se reformeront ils dans quelques années…
Nous quittons l’enceinte de Bercy pour un troquet histoire de nous remettre et de débriefer ce moment que l’on peut qualifier d’historique pour la musique française.
Bonne reprise demain.
N.