La semaine dernière a été riche en mélodies, riffs, couplés engagés et autres envolées lyriques . Si ça faisait longtemps que je n’avais pas été vibrer à un concert, là j’ai pu enchainer l’incontournable Johnny Montreuil dans son fief des Murs à Pêches, et les lunaires Red Hot de retour en France après quinze ans d’absence. Deux salles deux ambiances, certains diront à l’opposé, mais moi je n’aime pas opposer les artistes, ni personne d’ailleurs.
De l’intimiste au démesuré, du confidentiel à l’interplanétaire, je vous emmène cette semaine entre poésie et acouphènes, ambiance “first born unicorn, hard core soft porn” c’est parti
Johnny Montreuil, et les Murs à Pêches
Avant d’envoyer les décibels nous allons revenir un peu sur ces fameux murs à pêches qui sont une des fiertés de la ville de Montreuil. On revient au 17ème siècle; pour rivaliser avec la Provence qui fait partie depuis peu du royaume de France, Montreuil-sous-Bois (à l’époque) va développer une technique révolutionnaire pour accroitre la production de fruits et compenser la différence d’ensoleillement : la ville va construire un labyrinthe de plusieurs centaines de kilomètres de murs qui vont emmagasiner la chaleur le jour et la restituer la nuit, murs sur lesquels les fruits sont cultivés.
Les fruits produits à Montreuil jouissent vite d’une grande notoriété et vont même se retrouver sur la table du roi, mais le développement du train va redonner un avantage décisif au sud, et les murs à pêches vont bientôt disparaitre.
Sur les 50 hectares qui restent aujourd’hui, moins d’une dizaine ont pu être protégés et provisoirement mis à l’abris de l’appétit des promoteurs, et ce en grande partie grâce au combat d’une vingtaine d’associations.
Pour continuer le combat, les assos proposent festivals, ventes de plantes, journées solidaires autour de l’art ou de l’environnement. Le jardin solidaire permet également de remettre le pied à l’étrier de personnes en grande difficulté sociale ou en pertes de repères, en deux mots : il faut sauver les Murs à Pêches.
Je vous mets les deux spots que je connais un petit peu: la Girandole, un théâtre de verdure qui organise pas mal d’évènements, dont le festival “sous les pêchers les plages” tout l’été (www.girandole.fr), et le Jardin Pouplier du nom de la dernière horticultrice de Montreuil qui y cultivaient les fleurs qu’elle vendait sur le marché d’Aligre, et qui est géré aujourd’hui par une association (senshumus.org).
Johnny Montreuil
La star locale a posé sa caravane il y a quelques années au cœur des Murs à Pêches, et sort à l’occasion sa contrebasse pour un set de rock engagé, teinté de blues et de jazz manouche. Ce jour-là il est avec son compère Kick à l’harmonica, devant un parterre venu de tous horizons.
Moustache et rouflaquettes au vent, Johnny chante la banlieue et la débrouille, en Français toujours, ça gouaille, c’est poétique, et ça parle à tous.
Pour suivre l’actualité de Johnny Montreuil c’est ici : johnnymontreuil.com, et si vous voulez en savoir plus sur le Johnny et le Montreuil alternatif, le documentaire demain c’est loin
Allez à Montreuil les amis, il y a plein de super choses à faire et à voir grâce au dynamisme du tissu associatif, au pire vous pourriez adorer. On quitte maintenant ce laboratoire du vivre ensemble et on change de planète, direction le stade de France pour un show à l’américaine.
Les Red Hot au Stade de France
Punk skate, rock alternatif, rap rock… chacun y va de son qualificatif quand il s’agit de caractériser le style des Red Hot. C’est vrai que les californiens se complaisent à mélanger les genres et faire sauter les étiquettes, ce qui leur donne une texture unique.
Et la bonne nouvelle, c’est qu’ils sont de passage à Paris.
Nous voilà donc partis avec mon grand ami Fab qui est monté pour l’occase, direction Saint Denis et le Stade de France où le groupe a posé ses valises pour deux soirées.
Alors les Red Hot, à la base, c’est deux potes de collèges, Anthony Kiedis et Flea, qui écument les bars de Los Angeles et se font rapidement connaitre par un style à part et jeu de scène survitaminé (concernant Flea, il ne faut pas prononcer “Fléha” mais “Fli”, si vous ne voulez pas comme moi faire pleurer de rire une copine, également fan, en lui racontant votre concert).
Si coté scène tout baigne, le groupe a du mal à concrétiser en studio. Après quelques errements et un drame (la mort de leur guitariste), les Red Hot vont intégrer John Frusciante, un guitariste fantasque et border line, et c’est sans doute l’ingrédient qui manquait pour faire précipiter la solution, et donner au groupe sa renommée planétaire.
Coté public on pourrait s’attendre à une grande diversité vu les influences rap, funk, rock voire métal du groupe, mais bizarrement tout le monde se ressemble un peu, la diversité tient plutôt dans les âges des fans. Devant nous un groupe de marseillais dont la fille, sosie officiel de Jamie Lee Curtis jeune, déborde d’énergie et saute dans tous les sens. A notre droite un père et son fils qui rappelle un peu Darroussin dans “mes meilleurs copains“, le gars enviable pour qui rien n’est grave. Il a enlevé ses chaussures, et s’excuse presque quand il reçoit la bouteille d’eau qui a échappé des mains de la fille derrière, puis la moitié de ma bière.
20h45 pétante le groupe fait irruption sur scène en sprintant; Flea, qui n’est plus tout jeune, s’autorise même une roulade. Petite impro basse/guitare pour marquer le retour de Frusciante (qui avait été écarté pour cause d’abus de stupéfiant), puis c’est “can’t stop“, et c’est parti pour deux heures stratosphériques.
Le groupe va enchainer les classiques, entrecoupés d’interventions de Flea au micro, mais comme à la base il est australien avec son accent on comprend rien, alors on crie “yeaaah”. Sur notre gauche une jeune fille passera tout le concert à danser les yeux fermés, en chantant sur tous les morceaux car visiblement elle connait l’intégralité des textes. Ce soir elle était seule avec les Red Hot, oubliés les 80000 fans à cotés.
Le retour de Frusciante met le focus sur les morceaux des premiers albums, avec un “give it away” qui va faire exploser le stade. Mea culpa, je fais partie de la basse classe socioculturelle qui associe les Red Hot principalement à l’album “Califonication“. C’est aussi parce que quand cet album est sorti j’étais en mission au Texas, et je me le tournais en boucle dans ma camry en conduisant la nuit dans Dallas, séquence nostalgie.
On se demandait avec mon ami Fab qu’est ce qui fait qu’un groupe, parmi les centaines talentueux qui écument les pubs, va un jour exploser et s’offrir le Stade de France. A quoi ça tient ? Est-ce que dans un monde parallèle ce soir c’est les “Green Cold Cucumber” qui jouent au stade de France ? Ou bien c’est écrit, et tu rejoues dix fois le match et dix fois ce soir c’est les Red Hot qui enflamment le stade ?
Et voilà, nous n’avons pas vu passer les deux heures que c’est déjà fini. On se retrouve tous au coude à coude en appréhendant un peu le retour sur Paris. Mais la SNCF a très bien fait les choses en envoyant rames après rames, et en moins de deux on était rentrés.
On redescend sur terre, c’était un pur bonheur d’avoir partagé ce concert avec mon ami Fab, on est surmotivés pour d’autres. Et merci encore à Vanou pour les places, c’était top.
Bon weekend et bon feu d’artifice pour ceux qui le tentent ce soir.
N.