Les amis, comme tous les ans l’été est passé à la vitesse d’un bullet train, et même s’il reste encore un mois, passé le 15 aout, le spleen automnal prend doucement ses quartiers . Sur les plateaux télé, les experts militaires, qui avaient chassé les réanimateurs et les virologues, ont à leur tour dû céder leur place aux spécialistes du feu et du climat. Mais comme, grace aux pompiers, les feux initialement « hors de contrôle » ont été « tenus », puis « fixés », pour finalement finir par s’éteindre, on a switché sur orages et sur les aventures de la CRS 8, la rolls du maintien de l’ordre…
Mais ce qui m’a particulièrement marqué ces derniers jours, c’est ce que les norvégiens ont fait au morse Freya car, parait il, ils n’étaient « pas capable d’assurer son bien être »… C’est quoi le message qu’on envoie au monde en matière de protection des espèces menacées ? Qui sont ces décérébrés qui, dans cette période particulièrement sombre, ont décidé de tuer le conte de fée ? Les amis, je pensais aller bientôt en Norvège, mais finalement je privilégierai plutôt un pays comme l’Italie où, pour votre bien être, on va plutôt vous proposer un spritz.

Aujourd’hui je vous emmène en Normandie, à la découverte d’un lieu étrange où la légende fait la courte échelle à l’industrie, où le sacré flirte avec l’alchimie. Je vous emmène au cœur de la petite ville portuaire de Fécamp, découvrir l’invraisemblable Palais Bénédictine.
Escapade spirituelle et spiritueuse au pays des vikings, c’est parti…
Un Elixir de Santé
On remonte maintenant la pendule, direction le tout début du 16 -ème siècle. La petite ville portuaire de Fécamp, entre deux incursions anglaises, vit au rythme de la pêche aux harengs et de son abbaye bénédictine, l’une des plus importantes de Normandie. L’abbaye est d’autant plus prestigieuse qu’elle détient, dans deux boites en plomb, du sang du Christ récupéré après la crucifixion, on nage en plein Da Vinci Code…


Les bénédictins ne sont pas connus comme les rois de la déconne, mais il y a ce moine vénitien, Don Bernardo Vincelli, mi alchimiste mi maitre distilleur, qui produit à l’abbaye un elixir de santé à base de plantes locale et d’épices venues d’orient. Angélique, myrrhe, cannelle, safran… la recette est complexe et soigneusement tenue au secret.

La légende raconte même que le roi François 1er serait venu gouter l’élixir magique à l’abbaye.

A la révolution c’est un peu le sauve qui peut, l’abbaye est fortement secouée, les moines sont chassés, et le grimoire contenant l’étrange recette disparait… pour réapparaitre presque un siècle plus tard, dans les années 1860, sur la bibliothèque d’un armateur de la ville. Son fils, Alexandre le Grand (rien que ça) , la décrypte, et commence à la produire à son tour sous le nom de Bénédictine.
Un palais, une distillerie
Ce mélange de spirituel et de spiritueux va connaitre un succès rapide, et Alexandre va avoir l’idée géniale de construire un palais digne d’un monarque, et qui va également lui servir de distillerie. Dans les étages, Alexandre va exposer ses collections et ouvrir au public, principalement de l’art religieux médiéval.



Au sous-sol par contre on distille. La recette est tenue secrète, et le vieux grimoire est au coffre. On sait qu’il y a approximativement une trentaine de plantes (myrrhe, cannelle, angélique…), du safran, du miel…. Les composants arrivent dans quatre sac distincts, et chaque équipe ne connait que la composition du sac dont elle a la charge. Les chimistes qui distillent n’en savent pas beaucoup plus.

Un roi du marketing…
En plus de son « palais distillerie » qui porte la marque, Alexandre va quasiment inventer l’affiche publicitaire, et s’entourer des plus grands artistes pour les concevoir. Le succès est très rapide, des centaines de milliers de bouteilles sont vendues, en France , aux US, en Russie… partout sa Bénédictine fait un carton, et il doit même se bagarrer avec la contrefaçon.


Et si…
Alors les amis, la légende est sympa mais tout est à prendre au conditionnel ici. Et si François 1er ne s’était jamais rendu à l’abbaye de Fécamp, rien ne l’atteste. Et si le moine vénitien Don Vincelli n’avait pas existé, aucune trace de lui n’apparait dans les registres. Et si le grimoire n’était qu’un simple « herbarius », et que c’est Alexandre le Grand lui même qui avait inventé cette recette, avec l’aide de quelques spécialistes qui ont gardé le secret. Avouez les amis que si tout est bidonné, c’est encore plus génial, pour ma part je donne toujours le bénéfice du doute à la légende.

Après la visite de la partie musée et de la distillerie, vous avez droit à une dégustation histoire de vous encourager à ne pas repartir les mains vides; l’esprit du vieil entrepreneur souffle encore dans le lieu. Avant de quitter le palais nous nous sommes offerts un petit passage au superbe bar à cocktails qui occupe une aile du château afin de déguster un spritz à la Bénédictine, histoire d’avoir fait le tour de la question.



Les amis on s’arrête là, si vous allez balader sur la cote d’Albâtre, en Pays de Caux, si souhaitez échapper à l’effervescence d’Etretat et que vous posez vos valises chez la voisine Fécamp, ne ratez pas cet improbable palais Bénédictine construit sur une non moins improbable histoire.
Bon weekend
N.