Après la balade onirique proposée par la japonaise Chiharu Shiota, retour au réel avec une nouvelle expo, cette fois sur les banlieues. Six ans après la première édition, l’exposition « Trésors de Banlieues » revient mettre en lumière l’énergie, la diversité et la créativité de cette banlieue sur laquelle les avis sont pour le moins tranchés.

Allez on file prendre un bol d’humanité à Gennevilliers où l’installation a pris possession d’une ancienne usine jusqu’au mois d’avril.

Espèce de banlieusard
Si la banlieue désigne à l’origine les petites agglomérations qui ceinturent une grande ville, et est donc socialement neutre, le terme a vite été connoté de façon négative. Déjà à la fin du 19ième siècle, les citadins voyaient dans les gens de banlieue des paysans conservateurs un peu attardés, d’ailleurs le mot « banlieusard » a été créé comme une injure lors d’une dispute entre élus parisiens et de la banlieue.

Si la sociologie des banlieues a évolué au cours du siècle dernier, que la ruralité a quasi disparu au profit d’une urbanisation parfois sauvage, le terme a gardé un peu de son côté péjoratif pour désigner cette fois des quartiers populaires peuplés majoritairement de gens issus de l’immigration.
On est laid à Nanterre,
La chanson de Gavroche
C’est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C’est la faute à Rousseau.
Le terme est souvent associé à la précarité, à l’insécurité, à une certaine créolisation. C’est vrai les amis qu’on parle plus volontiers de banlieue pour Aulnay et Sevran, que pour Chatou ou Saint Germain en Laye.

Il n’y a donc pas une, mais de multiples banlieues, et nous continuerons à aller chasser les pépites autour de Paris, en essayant toujours de porter un éclairage différent sur ces lieux dont certains sont régulièrement passés au peloton d’exécution médiatique.

Trésors de Banlieues
Six ans après, l’exposition qui met les banlieues en lumière est donc de retour à Gennevilliers, petite ville nichée dans les boucles de la Seine au nord-ouest de Paris. L’installation, dont l’entrée est libre, a investi une ancienne usine qui a été relookée pour l’occasion par des street graphistes du coin.

Une expo collaborative
Pour cette seconde édition, des dizaines de collectivités ont rassemblé quelques 250 œuvres qui racontent la banlieue, sa diversité, sa richesse et sa créativité. Peintures, sculptures, dessins et lithos, plus de 70 collectifs et communes ont prêté leurs œuvres pour faire de cette expo un moment participatif. Je me suis baladé sur certains sites webs de communes franciliennes, de Malakoff à Maison Laffite en passant par Argenteuil ou Gif, et toutes sont fières d’avoir contribué à l’événement.

Si la semaine dernière à Chiharu Shiota régnait un silence solennel, une cathédrale de l’art où celui qui parle est suspect, ici c’est une toute autre ambiance et nous sommes reçus avec les rires francs des hôtesses originaires de Guada. Deux salles, deux ambiances…
Un parcours, onze thématiques
Passé l’entrée nous sommes accueillis par Coluche qui a ouvert il y a 40 ans son premier resto du cœur ici à Gennevilliers. A l’intérieur, une dizaine de parcours vous permettent de suivre différentes thématiques, de l’enfance en banlieue à la révolution industrielle et aux mouvement sociaux en passant par la guerre, l’art déco ou encore les objets de la culture populaire.


Niveau audience il manque les étudiants en art aux looks improbables, les touristes et en particulier les touristes asiatiques toujours friands d’expos, ainsi que les passionnés d’art contemporain qu’on a pu croiser par exemple chez Chiharu Shiota, il faut dire aussi que l’accès n’est pas des plus simples.
Mais on retrouve comme toujours les curieux, les partisans du vivre ensemble, et pas mal de gens du coin qui sont heureux de voir que leur cadre de vie est à l’honneur. J’ai lu que lors du vernissage plus de cinq cents personnes sont venus là où les organisateurs en attendaient trois fois moins.

L’expo n’est pas réduite à la pop culture, la banlieue a fortement inspiré Caillebotte et ses potes impressionnistes, et les toiles sont aussi de la partie. Moret sur Loing où nous sommes passés quelques fois sur ce blog, l’ancien bateau lavoir du bas Meudon proche de mon lieu de travail, ou encore des scènes de canotages sur la Marne où je passe à vélo pratiquement toutes les semaines aux beaux jours.
Les amis, si vous vivez en région parisienne cette expo va forcément vous parler.



Et un petit clin d’oeil à mes amis et collègues boulonnais…

En parlant de Caillebotte, c’était un des rares de la bande des impressionnistes qui avait un peu de monnaie (et qui en faisait profiter les potes). Maire adjoint de Gennevilliers, il était passionné de nautisme et dessinait lui-même les plans de ses embarcations. Une bande de passionnés a bien sûr récupéré les plans et a reconstruit son voilier à l’identique, voilier qui fait partie des œuvres exposées.
Au passage il y a un nombre important d’œuvres balèzes, jusqu’à un taxi de la Marne car l’un des axes narratifs tourne autour de la guerre.
La question sociale
L’expo ne pouvait pas éluder la question sociale qui se pose dans certains quartiers dans lesquels on a concentré les difficultés, elle les aborde mais sous un angle plutôt apaisé.



Stigmatisation, insécurité, précarité, exclusion… les gouvernements se succèdent mais la question urbaine reste et personne ne trouve les clés. La problématique est donc abordée mais n’est pas omniprésente dans cette expo qui a résolument voulu poser un regard optimiste et casser les codes.

On en reste là avec ces « trésors de banlieues », les amis n’hésitez pas à aller saluer cette initiative qui fait la chasse aux stéréotypes, et qui rassemble à une époque où la division est facile, parfois encouragée. En plus, beaucoup d’entre vous vivent autour de Paris, c’est aussi notre patrimoine.
L’expo est gratuite, il faudra vous rendre au 92 Av. du Général de Gaulle à Gennevilliers, vous trouverez les infos pratiques ici.
Avant de quitter n’oubliez pas d’aller jeter un oeil à l’annexe de l’usine qui a été totalement relookée par des grapheurs. Et je finirai par une phase que j’ai lue je ne sais plus trop où, « il n’y a pas de petites ou de grandes couronnes, il n’y a que des joyaux« .
Bon week-end
N.