La musique métal au sens large semble vivre son plus bel été parisien. Après Gojira qui a dynamité la cérémonie d’ouverture des JO et en attendant l’arrivée des mastodontes d’AC/DC pour le concert de l’année, je vous emmène à la superbe Philharmonie de Paris qui met le genre à l’honneur avec “Metal”, une très chouette expo qui court sur presque six mois.
Après avoir longtemps tout fait pour garder le genre en dessous des radars afin de le préserver du mainstream, comment vont réagir les fans face à cette soudaine mise en lumière ? Le mieux c’est d’aller voir les amis, on saute dans la ligne 5 et on met le cap sur la Philharmonie.
La Philharmonie ?
Lorsqu’on sort du métro à la porte de Pantin, on pénètre en même temps l’antre de la musique. En effet, le sud-est du parc de La Villette héberge le Zenith, le Trabendo (une autre salle de concert/clubbing), la Cité de la Musique où tout est dans le nom, et depuis moins de 10 ans la Philharmonie de Paris, un petit bijou dédié à la musique classique au sens large.
Si le lieu accueille pas moins de cinq orchestres à résidence et possède des équipements acoustiques hors norme, son architecture n’est pas facile à appréhender. Là où on devrait voir peut-être une colline en aluminium avec des sortes d’oiseaux incrustés, moi je vois plutôt un serpent enroulé sur lui-même, mais je pense que je vais aller consulter.
En tous cas c’est à mon sens très réussi, et c’est un grand honneur qu’un tel lieu fasse une place pendant presque six mois à un style musical plutôt décrié, même si pour moi la filiation entre classique et métal coule de source.
La Musique Métal ?
Nous allons profiter de l’expo pour revenir rapidement sur ce genre musical un peu à la marge, un style contestataire qui descend du rock et du blues mais qui s’est toujours nourri de toutes les influences, du punk au classique en passant par la musique folklorique.
Allez on remonte la pendule pour revenir au début des années 60, quand la période dorée laisse place à la crise.
Les pionniers
Avant de toucher la banlieue de Londres et de se propager world wide, c’est dans les bas-fonds de Birmingham qu’est né à la fin des années 60 ce qu’on appellera la musique metal. Ville industrielle frappée de plein fouet par la récession et l’hyper inflation, temple également du rock avec une scène très fournie, Birmingham est le laboratoire parfait où tout va précipiter.
Le rock commence à se muscler et à saturer, ça joue beaucoup plus lourd et plus fort que les Stones ou les Beatles qui sont la référence du moment. Ce nouveau style va encore monter en puissance, abordant des thèmes sombres et engagés, et venir se construire face à la culture flower power hippie.
Dans ces nouveaux groupes qui cassent les codes (certains diront aussi les oreilles) on va trouver les Led Zeppelin, Black Sabbath ou encore Deep Purple. Des line up d’exception composés de musiciens hors pair, centrés autour de guitar heroes tels Jimmy Page et Ritchie Blackmore.
A l’origine du style, peut être Black Sabbath dont vous connaissez tous Ozzy Osbourne le chanteur originel (et original également).
And she’s buying a stairway to Heaven
Pour les mastodontes de cette première vague on ne parle pas encore de métal, mais de hard rock ou de heavy rock.
La NWOBHM
Fin des années 1970, le genre s’essouffle. Les groupes pionniers sont tous en crises, à Londres c’est la scène punk qui règne en maitre. L’Angleterre est au bord du gouffre, entre grosses manifs, crise de l’énergie avec les grèves de mineurs, et émeutes urbaines.
Au moment où l’on se dit que le genre est mort, c’est encore des villes industrielles du nord et de la banlieue populaire de Londres que va venir le salut, la deuxième vague qui va définitivement installer le genre. Là on parle des Motörhead, Iron Maiden, Saxon, Def Leppard et autre Judas Priest.
Cette nouvelle vague, c’est l’imprononçable NWOBHM, la New Wave of English Heavy Metal. Si la première époque était plutôt composée de virtuoses, là ce sont des mécaniciens, menuisiers et autres mineurs qui prennent les instruments et vont jouer à la sortie de l’usine dans les pubs et les amicales ouvrières qui veulent bien leur faire un peu de place.
Contrairement aux mastodontes pionniers, les groupes de la seconde vague installent vite une fan base complètement acquise et exaltée, à la limite de la secte comme dit celle qui partage souvent les concerts avec moi.
Il va suffire d’un lieu pour s’exprimer, d’une radio, de quelques articles dithyrambiques dans un grand magasines, et ce nouveau genre rebaptisé métal va se répandre comme une trainée de poudre.
Glam, trash, black….
Et puis à un moment il faut partir à la conquête du marché américain, certains groupes vont y laisser leur âme. En réaction Motorhead, qui a fait la synthèse du Punk et du Rock, va inspirer d’autres groupes aux US et qui vont reprendre les fondamentaux de la NWOBHM mais en mode radicalisé, jouant toujours plus vite et plus fort.
C’est la naissance du Trash Metal, avec en porte-étendards Anthrax, Megadeth, Slayer, et bien sûr ceux qui vont porter le genre sur le toit du monde : Metallica.
Et puis le Black Metal, le Power Metal, le Hardcore… des dizaines de sous-genres vont dériver le metal et ouvrir de nouvelles portes.
Diabolus in Musica, l’expo à la Philharmonie
Pour mettre en lumière la culture metal et toute son iconographie, la Philharmonie se devait de trouver la scénographie qui va bien, et je trouve que les concepteurs ont eu une idée géniale : les chapelles.
L’approche “chapelles”
Le métal possède des dizaines de sous-genres (heavy metal, black metal, trash, power, hardcore…) que l’on pourrait qualifier de chapelles. Le cœur de l’expo a donc été pensé comme un temple avec des petites chapelles dédiées aux styles phares. Ces alcôves s’animent aléatoirement, passant clips et extraits de concerts, avec un gros son qui fait inévitablement bouger les têtes.
Chaque chapelle raconte le sous genre auquel elle est rattachée, j’ai découvert des styles comme le Nu Métal qui mélange métal et rap.
Artwork
Dans le metal tout est artwork, des pochettes d’album aux instruments en passant par le look des musiciens et la scène. Les groupes viennent avec une histoire à raconter et l’iconographie qui va avec.
L’expo met bien cette composante en valeur, présentant pas mal d’objets un peu cultes, comme un véritable Rodin prêté par le musée et qui apparait sur un des albums de Black Sabbath.
Diabolus in MusIca
La légende veut que le style soit associé au diable car certains groupes ont réintroduit le triton, un accord si laid que l’église l’aurait interdit au Moyen Age, l’accord du diable, le “diabolus in musica“…
Plus sérieusement, le style est né à une époque où la jeunesse avait besoin de s’évader, et parmi les thèmes abordés on trouvait l’heroic-fantasy, la science-fiction, mais aussi l’occultisme. Et la brigade du premier degré a plongé tête première en hurlant au satanisme, intenté des procès, et évidemment certains groupes en ont rajouté en retour (any press is press)
Comme beaucoup de choses ont déjà été inventées et qu’il est difficile d’innover, certains groupes n’ayant pas le talent requis essayent d’exister en jouant la surenchère dans la provocation. Ils sont heureusement minoritaires, mais ça peut écorner l’image d’un genre musical déjà attendu au tournant.
Quelques pépites pour terminer
Parmi les pépites de l’expo on trouve une salle dédiée au métal français, avec un jukebox permettant de choisir son morceau et une poursuite qui va automatiquement éclairer des photos du groupe sélectionné.
Parmi ces groupes français vous en connaissez au moins deux, Trust et son antisocial qui perd son sang-froid, et depuis la semaine dernière Gojira. Gojira je connais peu, je les ai vus deux fois en ouverture de Metallica, j’en retiens un gros son, beaucoup d’énergie, et le bonheur de mon amie Hélène qui est une fan de la première heure.
Autre pépite, une alcove qui montre le metal sur des continents far away de l’occident, avec là encore un jukebox ou vous pourrez découvrir des groupes mongols ou encore togolais, et des photos magnifiques.
Je termine avec une salle qui vous plonge dans l’univers du Hellfest, le plus gros festival français dédié au genre.
Voilà les amis, je ne vous spoile pas le reste. Si vous êtes fans ou juste curieux allez donc faire un tour à la Philharmonie, vous avez encore deux bons mois. L’expo n’est pas très grande, les concepteurs ont choisi de mettre le focus plutôt sur les sous genres extrêmes, mais j’y ai quand même trouvé mon compte puisque je l’ai déjà faite quatre fois.
Au passage, le magasin à la sortie est une mine pour les fans, et le bouquin de l’expo “Metal, Diabolus in Musica” un véritable bijou (une bonne idée cadeau si vous connaissez un(e) afficionados).
Avant de finir, le morceau improbable que vous connaissez tous dont je vous parlais plus haut, composé par Roger Glover et interprété (entre autres) par Ronnie James Dio le chanteur de Black Sabbath, c’est love is all .
Nous reviendrons sur le metal dans les semaines à venir, avec quelques concerts sympas à la clé.
Bon weekend 🤘
N.