Les amis connaissez vous le Perche ? Possiblement pas car cette oasis de calme, entre nature préservée et patrimoine, ne semble pas partagée par plus grand nombre. Peut-être aussi parce que ce parc régional est à cheval sur deux régions, la Loire et La Normandie, aux patrimoines déjà riches par ailleurs.

J’avais découvert cette region du Perche dans le cadre du boulot il y a quelques années, j’en ai de vagues mais bons souvenirs. Allez ce weekend on part se rafraichir la mémoire, on saute dans la voiture (le vélo devrait suivre) et on met le cap plein ouest, direction Nogent-le-Rotrou la capitale locale pour commencer l’exploration.

Le château des comtes du Perche
Nous commençons notre exploration par un fleuron, le témoin d’un millénaire d’histoire : le château Saint-Jean à Nogent-le-Rotrou, la capitale du Perche.

Au temps des Vikings
Les amis, on remonte au 9ième siècle. Le royaume Franc (futur royaume de France) n’en peut plus des raids vikings qui déboulent à bord de leurs terribles drakkars. Au passage, si vous parlez avec un danois ou autre scandinave de drakkar, votre interlocuteur fera sans doute semblant de ne pas comprendre car drakkar est un mot français. Ils sont susceptibles ces nordiques.

Pour acheter la paix sociale, les francs offrent un duché à ces hommes du nord, ces nord men, le nom qui donnera la… Normandie. Mais pour contenir ces turbulents voisins il faut fortifier la frontière, et la frontière c’est le Perche. C’est Rotrou 1ier, un chevalier au drôle de nom, qui est envoyé fortifier le coin, et il va en profiter pour fonder la dynastie des comtes du Perche.


La Guerre de Cent Ans
Dans les siècles qui suivent on les voit partout les Rotrou. En Angleterre pour appuyer Guillaume le Conquérant, à Antioche et dans les nouveaux états latins pendant les croisades, aux côtés de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion… ils ont intégré par divers mariages les grandes maisons royales européennes.

Mais c’est pendant la terrible Guerre de Cent Ans que le château joue tout son rôle. Là ça barde les amis, l’anglois est partout, il revendique la couronne de France et le Perche est dans l’épicentre de la bagarre. Le Perche a intégré le Royaume de France, le château est perdu et repris plusieurs fois aux anglais.
Et puis, quand tout semble fini et que la victoire est promise aux britishs, c’est la chevauchée de Jeanne d’Arc qui boutera finalement l’anglois hors de France.

LES GUERRES DE rELIGION
A la Renaissance, Nogent le Rotrou devient un centre culturel et humaniste. Le château est la propriété du prince de Condé qui est protestant, et c’est reparti pour la bagarre avec les guerres de religion qui vont ensanglanter le pays. Une guerre civile qui va opposer les troupes protestantes menées par le futur roi de France Henri IV (proche du prince de Condé) à la Ligue Catholique ayant à sa tête, entre autres, le duc de Guise (si vous voyez un balafré dans un film de cape et d’épée, c’est le duc de Guise).

Le château passera quelques temps entre les mains de Sully, le ministre star d’Henri IV. Contrairement au roi de France obligé de se convertir pour pouvoir régner (Paris vaut bien une messe), Sully restera protestant toute sa vie.

Un témoin unique
Cette bâtisse est un témoin unique de l‘histoire de France, et ce même jusqu’à la libération où on replonge au Moyen Age. Les allemands sont chassés du château par la résistance, et essaye de le reprendre à grand coups d’artillerie. Le château joue une nouvelle fois son rôle défensif, comme au plus fort de la Guerre de Cent Ans.

Aujourd’hui la grande bâtisse est un château musée unique en europe de par sa longévité, n’hésitez pas à aller saluer ce fleuron du patrimoine lorsque vous passerez dans le coin.
Allez il se fait faim, nous quittons le château Saint-Jean pour aller faire ripaille à Bellême, une petite cité à quelques kilomètres.
Bellême, la bande de perchés
Bellême c’est un peu la bonne élève qui trône en haut de la pile dès que vous cherchez sur le net ce qu’il faut voir dans le Perche. La petite cité médiévale propose une déambulation colorée au calme, et le calme ici les amis il foisonne, il pousse partout.

Si les Jardins du Montperthuis semblent être l’incontournable, nous privilégions une toute autre pépite : Tonton de l’asso « Bande de Perchés« , un lieu de résidence culinaire. Une cantine où les chefs se succèdent et mettent au menu ce qui les inspire. Cette semaine ce sont Mélanie et Maud qui sont aux commandes, avec à la carte des sandwiches qui vont du « banh mi » vietnamien au « croque-monsieur de notre enfance« .



Une chouette découverte, même si les cheffes du moment ne semblaient pas avoir beaucoup de visibilité sur l’avenir du lieu. Une petite balade dans les ruelles moyenâgeuses et nous partons visiter le country side.

Détour par Dorceau
« Si je ne devais citer qu’un seul lieu, mais c’est sentimental, c’est la petite plage de Dorceau ». La petite serveuse de la brasserie de Nogent-le-Rotrou où nous avons diné la veille semble habitée en se replongeant dans ses souvenirs, et nous ne pouvons donc qu’aller voir de quoi il retourne.

Cap donc sur Dorceau au bord de l’Huisne, une rivière que vous allez croiser plusieurs fois pendant votre balade dans le parc régional. L’endroit est bucolique, nous sommes contents d’avoir partagé ce coup de cœur de la jeune fille de Nogent.

Les ruines de la Ferté Vidame
En sillonnant les petites routes nous passons presque par hasard devant l’immense domaine de la Ferté Vidame. Il ne reste pas grand-chose de cet ancien château, mais un stop s’impose

Le chateau de Saint Simon
Ce château millénaire qui appartenait à la famille Vendôme va passer dans les mains d’un favori de Louis XIII puis de son fils, le duc de Saint Simon. Ce célèbre écrivain va y écrire ses monumentales mémoires, qui permettront entre autres de tout connaitre de la fin de règne du roi soleil et des rouages de la cour à Versailles.

Après avoir été totalement reconstruit par un banquier véreux devenu richissime grâce à la traite des esclaves, le château va tomber après la Révolution dans les griffes de la Bande Noire, un gang de spéculateurs qui démantèlent les châteaux et revendent les matériaux.


Une incursion étonnante dans ces ruines romantiques et désenchantées qui m’ont donné envie de jeter un œil aux fameuses mémoires de Saint-Simon. Allez on file vers notre étape du soir, Mortagne au Perche.

Mortagne au Perche
Mortagne fait partie de ces petites cités accueillantes, idéales pour poser son bagage pour la nuit. C’est de plus l’un des points de passage de la Véloscénie, la voie vélo qui relie Paris au Mont Saint-Michel via le Perche, et qui fait partie des candidats pour la prochaine escapade puisque la Loire à vélo a été bouclée en juin.


Une étape so 18ème siècle
Un hotel particulier du 18ième siècle propose une chambre abordable, on fonce. Une fois l’immense portail classé franchi vous changez d’époque, une balade dans le temps. Les amis, c’est une expérience très étrange de se retrouver pour la nuit dans un cadre renaissance.


C’est une famille parisienne qui s’est lancée dans l’aventure il y a 8 ans. Ils ont rénové la bâtisse en faisant appel à des experts et le résultat est bluffant : vous ne pouvez pas distinguer ce qui est neuf de ce qui est d’époque.


A l’étage le portrait d’une jeune femme est partout, jusque sur les oreillers. Peut-être une ancienne châtelaine dont le fantôme se promène la nuit le long des coursives.

Le matin direction le marché, nous sommes la veille du 1er tour des législatives et la police municipale doit intervenir pour séparer un début de rixe. Ca fait très bizarre de les voir embarquer un vieux monsieur en costume qui hurle que nous ne sommes plus en démocratie.

La Perrière, puis Paris
Avant de rentrer sur Paris nous nous arrêtons au village où l’Huisne prend sa source : la petite cité de La Perrière. Grâce à sa surélévation la ville était un verrou sur le Perche, mais toutes les fortifications ont été rasées pendant la Guerre de Cent Ans.

Nous jetons le trouble dans un café en mentionnant le poète Ronsard mais il s’avère qu’à force de lire en diagonale… ça parlait plutôt des pierres de Roussard qui ont donné son nom à la ville (lire ou conduire, il faut choisir).
La ville propose néanmoins une déambulation agréable, là encore si le calme était coté en bourse les habitants du coin seraient tous millionnaires.



Depuis le haut du village on a une vue sympa sur les vallées avoisinantes, au moment où des nuages sombres commencent à se rassembler et à jeter une lumière drama sur le décor.


Nous rentrons sur Paris sous une pluie battante. J’aurai la mauvaise surprise de devoir amener ma voiture au garage le lendemain, des rongeurs ont festoyé dans les faisceaux du moteur. Le garagiste me dit que c’est assez fréquent car on trouve du maïs dans les câbles. J’espère que l’ingénieur qui a eu cette riche idée a au moins décroché le Lépine.
Et voilà les amis, si vous souhaitez vous mettre un weekend au vert, entre nature et patrimoine, n’hésitez pas à aller faire un tour dans le Perche.
Bon weekend législatif.
N.