Peut-on imaginer un Paris plus haussmannien que celui qui borde le boulevard Haussmann ? Avec leurs larges artères et leurs immeubles bourgeois, ces nouveaux quartiers qui prolongent les Grand Boulevards vers les Champs Elysées vont attirer les plus privilégiés, dont les riches collectionneurs, et qui vont s’y faire construire de somptueux hôtels particuliers.

C’est dans ce quartier un peu loin de tout ce qui fait l’âme de la ville que nous allons aujourd’hui, précisément au 158 du boulevard Haussmann, pour (re) découvrir l’une des pépites les mieux gardées.
Nélie Jacquemart, Edouard André
Comme pour les arts forains nous retournons à la Belle Epoque, cette période dorée à cheval entre le 19ième et le 20ième siècle, synonyme d’innovations, de bouleversements économiques, de bouillonnement culturel et de progrès sociaux.

Un bobo avant l’heure
Lui, c’est Edouard André. Il l’a belle Edouard, fils de riches banquiers il mène une vie mondaine rythmée par les fiestas et les excès. Il s’essaye un peu à la vie militaire, un peu à la politique, mais ce qu’il aime plus que tout c’est l’art et faire la fête. Pour cela il lui manque un écrin, aussi en 1868 il confie à l’un des plus grands architectes de la ville la construction d’un hôtel particulier dans ce nouveau Paris qui pousse à l’ouest sous l’impulsion du baron Haussmann.

L’architecte est frustré car il vient de perdre le chantier de l’Opéra de Paris contre Charles Garnier, aussi il va mettre le paquet et construire un hôtel grandiose. Le palais est inauguré en 1876 lors d’un incroyable bal où tout le gotha est invité. Les entrées majestueuses, le double escalier, la salle de danse croulant sous les dorures et les tentures et éclairée par des centaines de bougies… Toute cette magnificence hisse immédiatement le lieu tout en haut des « place to be » pour le tout Paris.



Une artiste rêvant de s’élever
Elle, c’est Cornélie (aka Nélie) Jacquemart. Issue d’un milieu modeste, elle va devenir la protégée de la propriétaire de l’abbaye de Chaalis qui va lui permettre de rentrer aux Beaux-Arts et devenir l’une des portraitistes les plus prisées de Paris. A l’époque pas de selfie les amis, si vous en avez les moyens il faut faire appel à un peintre pour vous tirer le portrait.
Au 19ième siècle des femmes peintres il y en a peu, et des femmes peintres qui vivent de leur art c’est sans doute une des seules. Nélie tire le portrait du tout Paris, jusqu’au président Adolphe Thiers, et elle finit par croiser un Edouard André devenu collectionneur.

Il est fatigué Edouard par les excès, il se poserait bien. Elle lui apporte sagesse et raison, il lui ouvre les portes de la haute société : Nélie et André se marient en 1881 et partent parcourir le monde pour enrichir la collection.
De l’hotel au Musée
La facture des excès de sa jeunesse finit par tomber : il est malade l’ami Edouard et va mourir jeune. Nélie perd le partenaire avec qui elle partageait son immense passion pour l’art et les voyages. Héritière du lieu, elle va continuer à voyager autour du monde et enrichir les collections.



Lorsqu’elle apprend que l’abbaye de Chaalis qui l’a aidée étant enfant est en difficulté, elle rentre en urgence en France, rachète le lieu, le retape et le modernise. Nous irons visiter l’abbaye bientôt.
Nélie va s’éteindre juste avant la grande guerre. Elle poussera sa passion de l’art au plus loin, en léguant le lieu à l’Institut de France contre l’obligation d’ouvrir et d’en faire profiter un large public. On la remercie.

La Collection Borghèse
Après un an de travaux, le musée rouvre en fanfare en exposant des pièces majeures qui appartiennent à la Galerie Borghèse de Rome. Les Borghèse sont une grande famille romaine, un peu comme les Médicis, une saga familiale qui mêle pouvoir politique et religieux, entre intrigues et trahisons.
La galerie romaine est actuellement en travaux et a donc prêté ses oeuvres à Jacquemart André, un joli coup pour le petit musée parisien. C’est donc l’occasion d’aller saluer de Vinci, Caravage, Veronese ou encore Botticelli qui n’est pas le chanteur aveugle qu’on s’imagine.

Alors les les amis cette expo draine beaucoup de monde, et du monde qui s’y connait. Derrière moi un jeune s’étonne d’un cupidon qui adopte une position de Neptune, à ma gauche un gars chuchote qu’il faudrait arrêter le temps, ce qui agace fortement un autre car, bon sang de bonsoir, c’est bien nous qui l’avons inventé le temps !

Soyons francs, faisant partie de la basse classe sociale qui ne s’extasie pas devant la Joconde, je vous avoue que je n’y connais pas grand-chose à cette période qui illustre souvent des allégories bibliques et mythologiques.
En parlant de l’œuvre phare de De Vinci, on croise une « Joconde » de Raphael, sans doute une commande pour une riche famille qui montre une future mariée avec une licorne. Sachez-le les amis, la licorne est le symbole de la virginité, vous admettrez qu’on en croise peu sur Paris.

Certains tableaux sont à triple lecture : une Venus endormie, une Diane ou peut-être à droite une Pandore avec sa jarre qui enferme tous les maux de l’humanité. Triple lecture quand j’ai du mal en avoir une… Comme je ne dois pas être le seul, le musée met à dispo une appli plutôt bien faite et qui donne des pistes sur la plupart des tableaux.

Les amis je ne spoile pas plus, n’hésitez pas à aller visiter cette pépite, que ce soit sur cette expo hors norme ou sur la suivante car le lieu est très actif. Si vous souhaitez aller saluer de Vinci et les autres maîtres de la Renaissance l’expo court jusqu’au 9 Février. Mais vu le monde qu’elle attire, si la galerie Borghèse n’est pas pressée de récupérer ses trésors nul doute que l’expo sera prolongée. Je vous colle toutes les infos ici.
Pour la suite, s’il est encore trop tôt pour les escapades à vélo, nous irons sans doute faire des balades par époques et par quartiers, sans oublier notre chasse aux pépites.
Bonne fin de week-end
N.
2 commentaires
JE ME SUIS RÉGALÉE ! MERCIIIIIII
NICOLAS !
Merci Edwige, ca me fait plaisir !