Le dernier fleuve sauvage de France et peut-être d’Europe, avec sa lumière changeante et ses bancs de sable, ses levées et ses chemins de halages, le tout bordé de forêts et de monuments centenaires, est définitivement la destination idéale pour une escapade à vélo. Ce n’est donc pas sans raison que nous revenons pour la troisième fois sur la Loire, sur un parcours entre Tours et Orléans qui manquait dans notre volonté de parcourir la vallée des rois dans son intégralité.
Comme souvent avec les escapades à vélo l’article est long, je vous colle donc une table des matières pour faciliter la lecture en plusieurs fois. Les plus attentifs auront sans doute remarqué le créatif et innovant, voire disruptif “Abonnez-vous” en fin de table, permettant de souscrire à la newsletter et d’être notifié lors de la mise en ligne de nouveaux posts.
Pourquoi la vallée des rois ?
Les amis, si vous lancez une pièce en l’air, il y a de fortes chances pour qu’elle retombe sur l’un des quelques trois milles châteaux qui peuplent la vallée. Pour la petite explication, il faut remonter à la belle Aliénor d’Aquitaine qui, en larguant le roi de France pour celui d’Angleterre, lui a apporté par là-même son immense duché à l’ouest de la France.
Aussi lorsque la guerre de cent ans a éclaté, anglais et français se sont retrouvés face à face sur la Loire et il leur a fallu construire des centaines de forteresses pour défendre leurs positions.
A la sortie du Moyen Age quand les choses se sont apaisées dans le coin, les rois de France, qui ne savaient décidemment pas s’ennuyer, sont partis guerroyer en Italie (le célèbre 1515 Marignan) et en ont ramené ce fameux renouveau architectural, philosophique et artistique, baptisé Renaissance.
Les monarques ont alors décidé de transformer tous ces vieux châteaux forts, devenus militairement inutiles, en lieux de villégiature mettant à l’honneur la peinture, la philosophie, la littérature, la poésie, la musique, en bref tous les domaines artistiques. On assiste alors à l’avènement d’une Renaissance à la Française qui va permettre au royaume de rayonner dans toute l’Europe.
Départ pour Tours
C’est aux aurores et sous un ciel sombre et bas que nous rejoignons la gare d’Austerlitz où un TER nous attend pour nous transporter avec nos vélos en à peine deux heures jusqu’à Tours, point de départ de l’escapade.
Comme d’habitude et encore plus à cette période il y a beaucoup plus de vélos que de places disponibles dans le train, mais en arrivant tôt vous arriverez toujours à caser votre vélo.
De Tours à Montrichard
Un petit café sur une place Plum’ encore déserte à cette heure et nous rejoignons les quais de Loire pour de chouettes retrouvailles. Nous longeons la Loire jusqu’à la ville de Montlouis connue pour son vin, puis c’est un détour par les coteaux avant de redescendre chercher le fleuve juste avant Amboise.
Petite pause à l’église Saint-Laurent qui porte étonnement sur sa façade la devise de la république Française, sans doute un peu contraint et forcé, mais ça fait toujours plaisir de lire “liberté, égalité et fraternité”.
Nous faisons ensuite chauffer un peu les cuisses sur les coteaux avant de redescendre vers le fleuve. De gros nuages laissent passer le soleil par intermittence, ce qui ajoute un bel effet “drama” à la scène (je vous épargne ici un jeu de mots ampoulé avec la Seine, nous restons entre gens brillants mais sympas)
Amboise, son chateau, sa guinguette
Pause déjeuner la guinguette qui borde la Loire à l’entrée d’Amboise, et une belle rencontre avec un couple résidant à Abou Dabi. Lui homme d’affaire français très affable, elle prof de yoga libanaise plutôt solaire, les deux en balade dans la vallée et improvisant chaque étape.
Le coté sympa des guinguettes c’est que vous discutez facilement avec vos voisins, et nous voilà partis dans des discussions super intéressantes et des échanges d’idées sur la religion, la démocratie, la France et les Emirats. A tel point qu’on ne voit pas le temps passer et qu’il faut vite se remettre en selle car il y a 55 kilomètres à faire pour rejoindre notre hôtel à Montrichard.
Pas le temps donc de visiter le château royal d’Amboise où a été élevé le futur roi François 1ier qui est étroitement associé à cette Renaissance à la française dont nous parlions plus haut. Ce n’est que partie remise car nous avons prévu d’y retourner vite pour une escapade dans les caves.
Le Cher et Chenonceau
Nous quittons donc Amboise et la Loire pour rejoindre le Cher qui s’écoule dans la vallée voisine. Lorsque vous changez comme cela de vallée, vous échappez rarement à de belles montées, et surtout à des départementales fréquentées par des voitures qui roulent fort, donc prudence. Il existe des applis comme Komoot ou Geovelo qui vont proposer des trajets plus sécurisés en suggérant des détours par des routes moins roulantes et moins fréquentées
Si vous allez à Chenonceau à vélo, il faut vraiment traverser le Cher en amont et emprunter la piste en terre afin d’arriver par l’arrière du château pour une vue imprenable.
Chenonceau n’est donc pas sur la Loire mais sur le Cher, littéralement sur le Cher à tel point qu’il l’enjambe. Intégré au royaume de France par François 1er. Son fils Henri II, qui était marié à la terrible Catherine de Médicis, donne Chenonceau à sa favorite l’envoutante Diane de Poitiers dont il était raide dingue, tout comme la plupart des hommes de la cour.
Suprême humiliation et casus belli pour la reine, aussi après la mort du roi lors d’un tournoi de chevalerie on peut imaginer la vengeance de Catherine de Médicis envers la belle Diane qui avait perdu là tous ses soutiens.
Une soirée à Montrichard
Après la pause à Chenonceau, direction Montrichard pour terminer cette première étape. Montrichard, il faut imaginer une charmante ville médiévale chargée d’histoire, et qui a été pas mal disputée entre anglais et français pendant la fameuse guerre de cent ans.
Avant d’aller dîner sur la place nous avons passé un super moment dans le bistrot O Centre, bistrot tenu par une sympathique jeune femme originaire d’Auvers sur Oise près de Paris, et qui nous a fait gouter les vins de ses copines viticultrices. Un apéro bien mérité après une longue journée, on a du mal à penser que ce matin nous étions encore à Paris.
Une très belle première journée, demain c’est direction Blois pour la seconde étape. Je vous colle ici la trace GPS si ça peut vous aider
De Montrichard à Blois
Après une bonne nuit de repos nous quittons un Montrichard couvert pour retrouver la Loire. Comme la veille nous essayons d’éviter les départementales trop roulantes, quitte à rallonger le trajet de 50%
L’avantage d’un temps couvert c’est qu’on souffre beaucoup moins dans les montées. Les amis il faut toujours voir le verre à moitié plein, et en matière de verres (et comme on est à vélo) je peux dire que j’en connais un rayon. Bon je n’aurais pas tenu longtemps sur les jeux de mots bidons…
Chaumont sur Loire
C’est sous un léger crachin que nous retrouvons la Loire au niveau de Chaumont. Comme tout village du coin qui se respecte, Chaumont sur Loire possède aussi son château, qui était à la base un avant-poste de défense de la ville de Blois.
Chaumont a appartenu entre autres à l’omniprésente Catherine de Médicis, elle y recevait toutes sortes de personnages, à commencer par le sulfureux Nostradamus, son astrologue. Aujourd’hui Chaumont est mondialement connu pour ses jardins, je mettrai à la fin un lien vers un article que j’avais écrit sur Chaumont et Chenonceau lors d’une précédente visite.
Le fou d’loire, la bonne surprise
Avec le vent et la pluie se pose vite la question du déjeuner. Nous regardons un peu ce qu’il y a autour et nous trouvons une place au “Fou d’Loire”. Je suis moyennent convaincu car j’ai l’impression que le nom est un jeu de mots pour attirer les touristes anglophones, mais j’ai vite remis mes doutes à la cave tant l’accueil, le cadre et la cuisine sont topissimes (j’évite les “issimes” d’habitude).
Vous pouvez y aller les yeux fermés.
Après avoir refait le plein d’énergie c’est reparti pour les 20 derniers kilomètres vers Blois.
En route vers Blois
Passé Candé sur Beuvron, la piste s’écarte de la Loire et devient sableuse, pour ensuite laisser place à un enchainement de petites rues au milieu de nothing. La pluie a cessé et on ne croise pas grand monde.
Parfois au détour d’une rue, un manoir sorti de nulle part et qui semble abandonné, et dans lequel j’organiserais volontiers des soirées jeux de rôles.
Si la pampa est plutôt monotone, l’arrivée sur Blois est assez magique, avec la piste à fleur d’eau face à la ville et la traversée du pont Gabriel.
La soirée à Blois
A Blois nous prenons nos quartiers dans un hôtel “vieille France”, idéalement situé à deux pas du château, et très abordable. L’accueil des deux gérantes slaves (russes, ukrainiennes ou peut-être géorgienne… ) est magnifique, je le recommande chaudement.
Juste le temps de dropper les sacoches et cap sur ville et le château situé plein centre.
Le château et l’assassinat du duc de Guise
Le château de Blois a vu passer un grand nombre de rois et de reines, et ce depuis le Moyen Age. J’écrirai probablement un article dédié au château (j’en ai cinq en retard…), mais en attendant on peut revenir sur l’un des épisodes dont il a servi de décor : l’assassinat du duc de Guise (spoiler alert).
Les amis nous sommes en plein guerres de religion qui opposent les catholiques aux protestants. Le roi Henri III, qui est le fils de devinez qui ? Et oui encore la mère Médicis (elle mettra ses trois fils sur le trône), est contesté par le peuple de France qui le trouve trop laxiste avec les huguenots (aka les protestants).
Les français lui préfèreraient presque le duc de Guise, celui qui est souvent présenté comme le méchant balafré dans les films de cape et d’épée, et qui dirige la Ligue: un mouvement ultra catholique soutenu en secret par devinez qui ? Et oui vous avez deviné.
A la veille de noël 1588, le duc de Guise est convoqué à Blois pour les états généraux. Le duc est demandé par le roi mais quand il arrive dans la chambre c’est la garde royale qui attend le rival gênant et qui le trucide sur ordre du roi. On en profite pour assassiner aussi son frère également présent au château ce jour-là (mauvais karma).
Mais “live by the sword, die by the sword”, Henri III sera assassiné à son tour par un moine de la Ligue un an plus tard. Comble de l’ironie pour la Ligue, sans descendance c’est son beau-frère et qui n’est qu’autre que l’ancien grand chef des armées protestantes, Henri de Navarre, qui va lui succéder sous le nom d’Henri IV.
Une petite balade dans la vieille ville et un petit resto très correct clôturent cette seconde journée, et comme la veille je vous colle la trace GPS du trajet.
En roue libre jusqu’à Orléans
Troisième et dernière étape au départ de Blois et sous un beau soleil mais qui ne va pas durer. L’étape la plus longue du trajet, avec un petit peu plus de 70 bornes, va se tenir pour l’essentiel sur ce que nous appellerions une digue, mais qu’ici on appelle une levée.
La levée offre de belles échappées sur la Loire et ses ilots, si vous avez enclenché un GPS ne le suivez pas aveuglément et n’hésitez pas à emprunter les petits chemins qui descendent jusqu’à fleur d’eau.
Un peu avant Beaugency on frôle la centrale nucléaire de Saint-Laurent, surtout ne pas s’agacer et bien maitriser son cardio : un coup à devenir tout vert, doubler de volume et pulvériser sa chemise.
Beaugency et Meung-sur-Loire
Les deux petites cités médiévales qui se succèdent en bords de Loire offrent l’une comme l’autre un cadre idéal pour la pause dej. Nous avons opté pour Beaugency et un établissement de qualité où la patronne cuisine absolument tout à part le pain : “Cesar et Firmin”. Vous n’y trouverez ni l’un ni l’autre : Cesar est le nom du donjon qui domine la ville et Firmin se rapporte à l’église.
Le resto ne proposant que des brunchs le dimanche, un voisin de table un peu âgé s’est d’abord bien fait expliquer le principe du brunch par la sympathique serveuse. Il a dit banco, mais a quelque peu revisité le concept en refusant toutes les viennoiseries, confitures, pancakes et autres jus de fruits. Il a juste gardé les œufs brouillés au bacon, a ajouté du vin, quant à la boisson chaude ce sera un café qu’il prendra en fin de repas. Comme on dit à Marseille, il m’a régalé sur ce coup là.
Le château se visite mais ne vous attendez pas à y trouver quelque Histoire: ce sont principalement des installations sonores et lumineuses qui hantent le lieu.
Meung et Beaugency ont un autre point commun: ce sont deux villes que les français sont allés reprendre aux anglais pour pouvoir franchir la Loire lors de la chevauchée de Jeanne d’Arc à la fin de la guerre de cent ans.
Alors c’est quoi cette guerre de cent ans ? En quelques lignes, on est sur la fin du Moyen Age, Philipe VI roi de France et Edouard III roi d’Angleterre (qui administre des terres en France depuis Aliénor) ne cessent de se chamailler. Sauf que Philippe VI a été un peu été choisi à la hâte, car le descendant le plus proche de l’ancien roi Philipe le Bel n’est autre qu’Edouard III son petit-fils, et un “anglois” aux commandes de la France c’est no thanks…
A force de querelles, Edouard III va finir par revendiquer son droit à la couronne de France, et nous voilà partis pour un bon siècle de grosse bagarre entre les deux royaumes, deux pays qui vont construire l’un face à l’autre leur identité.
La chevalerie française, vaillante mais indisciplinée, va se faire décimer à maintes reprises en chargeant n’importe comment face à des archers britishs froids et méthodiques, jusqu’à l’humiliation suprême lors de la défaite d‘Azincourt. Le royaume de France, alors réduit à une poche sous la Loire, est promis à disparaitre: un traité honteux a même été signé pour que le roi d’Angleterre Henri V succède au roi de France à sa mort.
Et puis Jeanne d’Arc et la remontada, l’armée française va forcer les ponts sur la Loire (Orléans, Meung, Beaugency…) et va chevaucher jusqu’à Reims pour y faire sacrer Charles VII roi de France en 1429, puis va bouter hors de France le reste de l’armée anglaise qui se demande encore ce qui a bien pu se passer. Selon la version officielle, l’histoire se terminera mal pour la Pucelle d’Orléans qui finira sur le bûcher.
Courte visite de Meung qui est plutôt calme en ce dimanche après-midi, à part le café du château qui semble être le point de ralliement des jeunes du coin. Le temps d’un expresso et c’est reparti pour la dernière ligne droite.
Orléans, terminus
Les vingt derniers kilomètres sont une formalité, et nous voilà déjà à Orléans pour terminer une escapade bien sympa, même si la météo n’a pas été franchement au rendez-vous.
Un hôtel tchip mais sympa plein centre, et une très chouette dernière soirée avec la famille d’une des nôtres qui vit dans le coin et qui nous a rejoint pour l’occasion dans un établissement un peu trendy des bords de Loire.
Puis retour sur Paris lundi matin, nous avons décidé de ne plus rentrer le dimanche car avec les vélos c’est trop compliqué en saison, et vous n’êtes pas à l’abris d’un contrôleur qui vous refuse l’accès à bord si toutes les places vélos sont occupées.
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Et voilà pour l’escapade sur la Loire les amis, j’espère vous avoir donné l’envie ou même juste la curiosité de grimper sur un vélo et de partir explorer nos belles régions. Je vous colle ici les liens vers la page des escapades à vélo précédentes, ainsi que l’article sur Chaumont et Chenonceau.
Pour les prochaines balades à vélo ce sera sans doute le canal du Nivernais, à moins que nous décidions de complètement boucler la Loire en roulant d’Angers jusqu’à la mer, le dernier tronçon qui manque.
Bon long weekend du 15 août
N.